Matière à réflexion : portrait de l’abordabilité du logement locatif au Québec

Attentif aux sujets qui pourraient interpeller les parlementaires dans leur travail, le Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale propose des notes d’information sur des thèmes d’actualité et des défis émergents. C’est le cas de la série Matière à réflexion, qui rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur certaines questions d’intérêt public.

Près de 40 % de la population québécoise vit dans un logement locatif. En 2021, un ménage locataire sur cinq consacrait plus de 30 % de ses revenus pour se loger. Alors que le coût des logements locatifs augmente à un rythme plus élevé que celui des revenus des ménages, la question de l’abordabilité des logements locatifs fait l’objet d’une attention soutenue dans la sphère publique.

Première lecture propose ici une nouvelle fiche d’information Matière à réflexion sur la l’abordabilité des logements locatifs au Québec. En plus de présenter les outils dont le Québec s’est doté pour soutenir les ménages à faibles revenus dans le domaine de l’habitation, elle met en contexte le problème de l’abordabilité avec des statistiques pertinentes. Cette fiche d’information est également accessible sur le site Web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, tout comme d’autres notes produites par le Service de la recherche.

Mah Aristide Dion
Service de la recherche

En quelques mots

  • Au Canada, l’indicateur privilégié pour mesurer l’abordabilité du logement est la capacité de paiement des ménages ou leur rapport coût du logement/revenus. Selon la recherche Définir l’abordabilité du logement au Canada de la Société canadienne d’hypothèques et de logements (SCHL), un logement est abordable lorsque le ménage qui l’habite lui consacre moins de 30 % de ses revenus bruts. Dans la perspective macroéconomique, des études (le Rapport sur le marché locatif de la SCHL, par exemple) prennent en compte le taux d’inoccupation dans la mesure de l’abordabilité du logement. Un territoire où celui-ci est inférieur à 3 % est censé faire face à la rareté des logements dont l’une des conséquences est l’augmentation des prix sur les marchés immobiliers. Les données de l’Institut de la statistique du Québec montrent que les taux d’inoccupation pour les régions métropolitaines de recensement allaient de 0,9 % à 3 % en 2021.
  • Dans son Rapport annuel de gestion 2020-2021, la Société d’habitation du Québec affirme que l’abordabilité du logement est l’un des principaux enjeux pour les populations. En effet, les coûts des logements renchérissent depuis les trois dernières années. Toutefois, les études conviennent que les ménages locataires sont davantage confrontés au problème d’abordabilité du logement que les propriétaires.
  • La vulnérabilité des locataires face à la problématique de l’abordabilité du logement s’explique par deux principaux éléments. D’abord, les ménages locataires ont des revenus plus faibles comparativement aux propriétaires. Ensuite, les taux annuels d’augmentation des loyers sont souvent supérieurs à ceux des revenus et des recommandations des organismes de régulation du marché locatif. À titre d’illustration, alors que le Tribunal administratif du logement a suggéré des augmentations de 0,8 % pour un logement non-chauffé, de 0,5 % pour un logement chauffé à l’électricité, des diminutions de 0,3 % pour un logement chauffé au gaz naturel et de  3 % pour un logement chauffé au mazout pour l’année 2021, les prix des loyers ont augmenté en réalité de 6,7 % à Gatineau, de 4 % à Montréal et de 2,1 % à Québec entre le mois d’octobre 2020 et le mois d’octobre 2021 (Rapport sur le marché locatif : Canada et régions métropolitaines).
  • Les augmentations de loyer touchent l’ensemble des centres urbains, même ceux dans lesquels le taux d’inoccupation est dans la fourchette des 3 %. C’est le cas de la région métropolitaine de recensement de Montréal où, malgré un taux d’inoccupation de 3 %, les loyers restent plus élevés que la moyenne nationale. Cette situation est causée par plusieurs facteurs structurels. Certains locateurs cherchent à tirer un plus grand profit de l’évolution du marché de l’immobilier. Pour ce faire, ils ou elles procèdent à des augmentations excessives au moment des renouvellements des baux. D’autres entreprennent des rénovations et des changements d’affectations qui permettent, à terme, une maximisation des loyers. Qui plus est, la conversion d’appartements locatifs en copropriété restreint le marché locatif. Enfin, il y a une hausse du phénomène de location de courtes durées (Kerrigan et Wachsmuth : 2021). Généralement propulsée par les plateformes d’hébergement à court terme, cela réduit le nombre de logements disponibles au détriment des emménagements à long terme.
  • En plus des facteurs structurels cités plus haut, la reprise de l’emploi notamment chez les jeunes et l’augmentation du solde migratoire international dans le contexte postpandémique (de la Covid-19) accroissent la demande en logements locatifs. Cela exerce une plus grande pression sur les prix et sur la disponibilité du logement.
  • Sur le plan macroéconomique, le problème d’abordabilité constitue un défi pour le développement local. En effet, le déficit de logements abordables réduit la mobilité interrégionale des travailleurs (Jean-Philippe Meloche : 2022).

En quelques chiffres

21,1 %
Proportion de ménages locataires consacrant plus de 30 % de leurs revenus aux dépenses de logement au Québec en 2021selon la Société d’habitation du Québec
1 412 200
Nombre de ménages locataires au Québec en 2021, soit 38,7 % de la population, selon Statistique Canada
1 817 $
Loyer moyen d’un appartement de 2 chambres à coucher affiché sur les sites de location au Québec en juillet 2022 selon le site Rentals.ca

128 200
Nombre de ménages locataires ayant un problème d’abordabilité du logement au Québec en 2021 selon Statistique Canada.

Initiatives québécoises sur le sujet

  • En septembre 1997, la Société d’habitation du Québec a lancé le programme AccèsLogis Québec . L’objectif de ce programme est de centraliser les ressources issues des organismes publics (gouvernement, municipalités) et communautaires portant des projets de logements sociaux. Concrètement, des coopératives, des offices d’habitation et des sociétés acheteuses à but non lucratif reçoivent des subventions administrées par la Société d’habitation du Québec en vue de l’acquisition de terrains ou d’immeubles, la construction, la rénovation et la reconversion de logements en habitations sociales et communautaires.
  • Le gouvernement a récemment modifié les modalités du Programme Allocation-logement. En juin 2022, le gouvernement a relevé le plafond de 80 $ à 170 $ par mois pour la période 2022-2023. En outre, environ 134 000 ménages pourront bénéficier du Programme de supplément au loyer dont l’objectif est d’aider aux paiements de loyers des ménages à faibles revenus.
  • Un montant totalisant 642,3 M$ est destiné à des investissements en logements sociaux abordables dans le budget 2022-2023 à travers le Programme d’habitation abordable Québec dont le but est d’aider la réalisation de projets de logements locatifs abordables pour les ménages à faibles revenus.
  • Le 9 juin 2022, le Parlement a adopté le projet de loi n° 37, Loi modifiant diverses dispositions législatives principalement en matière d’habitation qui impose, entre autres dispositions, la continuité du caractère social des habitations détenues par des OBNL à la suite d’une vente et une expertise quinquennale sur la qualité de telles habitations.

Ailleurs au Canada

Pour aller plus loin

  • Nevington, N., Townsend, C., (2016). Market Rental Housing Affordability and Rapid Transit Catchments: Application of a New Measure in Canada. Housing Policy Debate (16)4-5, p. 864-886.