Attentif aux sujets qui pourraient interpeller les parlementaires dans leur travail, le Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale propose des notes de recherche et d’information sur des thèmes d’actualité et des enjeux émergents. C’est le cas de la série Matière à réflexion, qui rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur certaines questions d’intérêt public.

L’accès aux soins de psychothérapie au Québec est actuellement affecté, comme on l’observe dans plusieurs secteurs, par une pénurie de travailleuses et de travailleurs. Depuis plusieurs années, on remarque également un exode important des psychologues du réseau public vers la pratique privée. Jumelé à la pandémie de COVID-19 qui a exacerbé les problèmes de santé mentale, on assiste depuis quelque temps à ce qui semble être une tempête parfaite.
Cette note Matière à réflexion définit d’abord ce qu’est la psychothérapie et décrit les professionnels à qui le Code des professions en réserve la pratique. Par ailleurs, elle donne quelques chiffres sur les listes d’attente, les délais pour obtenir un service ainsi que la proportion des visites en médecine familiale et en milieu hospitalier pour des problèmes liés à la santé mentale. Enfin, il est question de récents plans d’action québécois en la matière et de programmes instaurés au Royaume-Uni et en Australie pour accroître l’accessibilité des soins de psychothérapie. Ce document est également disponible sur le site Web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, tout comme d’autres notes produites par le Service de la recherche.
Catherine Lanouette
Service de la recherche
En quelques mots
- La pandémie de COVID-19 a exacerbé les problèmes d’accès aux soins de psychothérapie et de santé mentale. Comme souligné dans le Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026, les mesures de distanciation, l’isolement, les pertes d’emploi ou de revenus et les tensions familiales, conjugales et sociales ont pu contribuer à la détérioration de la santé mentale. Certains groupes de la population ont été particulièrement affectés, notamment les personnes présentant déjà un trouble mental, les étudiants et étudiantes, les personnes sans emploi ou en arrêt de travail, les travailleurs de la santé, les immigrants et les personnes âgées.
- Le Code des professions (art. 187.1) définit la psychothérapie comme « un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé ».
- Le Code réserve la pratique de la psychothérapie aux médecins et aux psychologues, qui n’ont pas à obtenir de permis. Toutefois, selon le Règlement sur le permis de psychothérapeute, les membres des ordres professionnels des conseillers et conseillères d’orientation, des ergothérapeutes, des infirmiers et infirmières, des psychoéducateurs et psychoéducatrices, des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux peuvent obtenir un permis de psychothérapeute délivré par l’Ordre des psychologues du Québec, sous certaines conditions. Les sexologues peuvent également être psychothérapeutes s’ils en ont fait la demande avant 2015.
- En 2018, le gouvernement a adopté une nouvelle réglementation régissant la pratique des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) et créant de nouvelles spécialités, soit les soins aux adultes, la santé mentale et les soins pédiatriques. Les infirmiers et infirmières spécialisés en santé mentale accompagnent notamment les individus dans la prise en charge de troubles mentaux.
- Tel que noté par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) dans son avis sur l’accès équitable aux services de psychothérapie au Québec (2018), il existe dans la littérature deux principaux types d’interventions psychologiques : celles de basse intensité et celles de haute intensité. Les premières, souvent prodiguées par des intervenants qui détiennent un permis de psychothérapeute, comprennent notamment le soutien à l’autogestion, l’éducation psychologique, la résolution de problèmes et le développement de saines habitudes de vie. Les interventions de haute intensité « impliquent, quant à elles, des rencontres hebdomadaires en présence d’un professionnel dûment formé selon les standards établis dans chaque juridiction ».
- Au Québec, il est possible d’avoir accès à des services gratuits de psychothérapie dans le réseau public de santé ou grâce à une assurance collective ou privée. Des programmes sont également accessibles aux victimes d’accidents de la route, de lésions professionnelles ou d’actes criminels.
- Selon Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues, le Québec comptait, en 2021, 8800 psychologues, soit autant que dans tout le reste du pays. Il s’agit de la plus forte proportion par habitant en Amérique. Plus de la moitié des psychologues québécois travailleraient en pratique privée. Les principales motivations incitant à la pratique privée sont la rémunération et l’autonomie professionnelle.
- Selon l’INESSS, les troubles mentaux représentaient, en 2018, environ le tiers des hospitalisations et des causes d’invalidité. L’Institut mentionne que, pour chaque dollar investi dans les services psychologiques, le retour sur l’investissement serait de deux dollars. Un meilleur accès à la psychothérapie contribuerait à la réduction de l’utilisation de certains médicaments et à une diminution des consultations d’omnipraticiens.
En quelques chiffres
18 % Des consultations de médecins de famille ont trait à des problèmes de santé mentale en 2021-2022, selon un sondage du Collège des médecins. Ce taux grimpe à 39 % pour les personnes âgées de 18 à 24 ans. | 19 800 Nombre de personnes en attente de services de santé mentale dans le système public, en décembre 2022, selon le tableau de bord sur la performance du réseau de la santé et des services sociaux du gouvernement du Québec. |
180 jours Délai d’attente pour un service de deuxième ligne en santé mentale, chez les adultes, en date du 27 août 2022, selon le MSSS. Ce délai est de 295 jours pour les jeunes. | 69 % Hausse des visites pour des raisons de santé mentale à l’urgence de l’hôpital pour enfants Sainte-Justine pendant les 20 premiers mois de la pandémie de COVID-19. |
Travaux récents et initiatives québécoises sur le sujet
- Le Programme québécois pour les troubles mentaux : des autosoins à la psychothérapierepose sur un modèle de soins par étapes. Il vise à accroître l’accès aux services publics en santé mentale. Les groupes de médecine familiale et les CLSC sont les principales portes d’entrée pour obtenir un tel service. Les étapes proposées vont de la surveillance active et des autosoins jusqu’à des interventions psychologiques dites de haute intensité.
- En 2020, au terme de consultations à l’Assemblée nationale, la Commission de la santé et des services sociaux a déposé un rapport sur l’augmentation préoccupante de la consommation de psychostimulants chez les enfants et les jeunes en lien avec TDAH. Au-delà des enjeux relatifs au TDAH, certaines des 17 recommandations de ce rapport ont trait à la détresse psychologique des jeunes et aux difficultés d’accès aux services psychosociaux.
- Le Plan d’action sur la santé mentale étudiante en enseignement supérieur 2021-2026 « vise à doter les réseaux de l’enseignement supérieur de balises communes en matière de santé mentale étudiante et à soutenir l’élargissement et la diversification de l’offre de services de promotion, de prévention et de soutien psychosocial dans les collèges et universités ». Un de ses objectifs est notamment d’accroître l’accessibilité aux services en santé mentale pour les membres de la communauté étudiante et de réduire les délais d’accès aux services. Le Plan vise également à optimiser les collaborations entre le réseau de la santé et les organismes communautaires et à « favoriser la création de corridors de services entre les réseaux de l’enseignement supérieur et leurs partenaires offrant des services spécialisés de 2e et 3e lignes ».
- Le Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026« vise à favoriser la santé mentale optimale de la population, ainsi qu’à faciliter l’accès à des soins et services de qualité pour les personnes présentant des troubles mentaux ou des symptômes associés, et leurs proches ». Le Plan prévoit notamment l’intégration d’interventions numériques dans les services en santé mentale et le déploiement d’infirmières praticiennes spécialisées en santé mentale dans les services de proximité et certaines urgences.
Ailleurs au Canada et dans le monde
- En 2017, le gouvernement de la Colombie-Britannique a créé le ministère de la Santé mentale et des Dépendances afin de coordonner le réseau d’intervenants et offrir un système cohérent, accessible et inclusif à tous les citoyens et citoyennes.
- Le Programme québécois pour les troubles mentaux s’inspire du programme Improving Access to Psychological Therapies (IAPT) du Royaume-Uni. Instauré afin de rendre les soins de psychothérapie mieux adaptés et plus accessibles aux patients et patientes, ce programme a marqué un profond changement dans le traitement des troubles anxieux et dépressifs au Royaume-Uni, notamment en valorisant le recours aux soins de psychothérapie – gradués selon la sévérité du cas – plutôt qu’aux seuls psychotropes, en réduisant à 19 jours le temps d’attente pour l’obtention d’un service et en mesurant l’efficacité des traitements. De 2009 à 2018, le programme a permis de quintupler le nombre de personnes prises en charge, le faisant passer de 200 000 à plus d’un million.
- Au début du millénaire, le gouvernement australien a mis sur pied les programmes Better Outcomes in Mental Health Care(2003) et Better Access to Psychiatrists, Psychologists and General Practitioners (2006) afin d’élargir l’accès à des soins de psychothérapie de courte durée en soins primaires, pour les personnes souffrant de troubles mentaux courants (troubles dépressifs et anxieux) et de diminuer l’usage de psychotropes. Majoritairement financés par le gouvernement, ces programmes permettent aux médecins généralistes de diriger les patients atteints de troubles mentaux vers les services appropriés. Ceux-ci sont majoritairement offerts par des psychologues (90 %), mais aussi des travailleurs sociaux, du personnel infirmier et des ergothérapeutes.
Pour aller plus loin
- Desmarais, Sylvie (dir.), Avis sur l’accès équitable aux services de psychothérapie,Québec, Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, 2018, 124 p.
- Institut national d’excellence en santé et services sociaux, « Efficacité des interventions psychosociales pour prévenir et traiter les symptômes et troubles mentaux courants », Bulletin Repères, juillet 2022, 14 p.
- Ordre des psychologues du Québec, Mémoire présenté au ministère de la Santé et des services sociaux dans le cadre des consultations concernant les effets de la pandémie sur la santé mentale, février 2021, 24 p.
- Vasiliadis, Helen-Maria et Anne Dezetter, « Les programmes de prise en charge financière des psychothérapies en Australie et en Angleterre », Santé mentale au Québec, vol. 40, no 4, hiver 2015, p. 101-118.