Attentif aux sujets qui pourraient interpeller les parlementaires dans leur travail, le Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale propose des notes d’information sur des thèmes d’actualité et des défis émergents. C’est le cas de la série Matière à réflexion, qui rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur certaines questions d’intérêt public.

Au 31 mars 2022, la dette brute du Québec atteignait 212,6 milliards de dollars, ce qui représentait 42,1 % de son produit intérieur brut. Depuis une dizaine d’années, ce ratio tend à diminuer. Il faut savoir que, au fil des ans, le gouvernement s’est doté d’outils et de cibles afin de réduire la taille de sa dette en proportion de l’économie québécoise. Dès 1996, l’Assemblée nationale a adopté la Loi sur l’équilibre budgétaire dans l’objectif d’éviter que le gouvernement du Québec n’encoure des déficits à répétition. Puis, en 2006, les parlementaires ont adopté la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations. Cette loi établit entre autres des cibles de réduction de la dette brute et de la dette représentant les déficits cumulés.
Première lecture propose ici une nouvelle fiche d’information Matière à réflexion sur la façon dont l’État québécois a décidé de gérer la dette publique. En plus de présenter les outils dont le Québec s’est doté pour réduire la taille de sa dette, elle brosse un portrait de l’endettement du Québec. Cette fiche d’information est également accessible sur le site Web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, tout comme d’autres notes produites par le Service de la recherche.
Catherine Lanouette
Service de la recherche
En quelques mots
- Au Québec, l’endettement de l’État est mesuré principalement avec le concept de dette brute, c’est-à-dire la somme de la dette émise sur les marchés financiers et des engagements du gouvernement envers les régimes de retraite et des autres avantages sociaux futurs de ses employés. On y soustrait le solde du Fonds des générations. Les autres actifs du gouvernement comme les placements et les immobilisations ne sont pas pris en considération.
- Les concepts de dette représentant les déficits cumulés et de la dette nette sont aussi utilisés. La première est considérée comme la « dette d’épicerie », car elle représente l’endettement qui a servi à financer des dépenses courantes. Cela correspond à la somme des déficits indiqués dans les états financiers du gouvernement. Il s’agit du concept utilisé par le gouvernement du Canada. La dette nette représente quant à elle les dettes qui ont servi à financer les investissements en immobilisations et les dépenses courantes. Elle est obtenue en soustrayant les actifs financiers du gouvernement de l’ensemble des passifs.
- Afin de contrôler le poids de la dette, l’Assemblée nationale a adopté la Loi sur l’équilibre budgétaire en 1996. Celle-ci vise à éviter les déficits à répétition. En effet, en vertu de l’article 6, « le gouvernement ne peut encourir aucun déficit budgétaire ». L’article 8 prévoit que si un dépassement de moins d’un milliard de dollars est constaté, « le gouvernement doit réaliser un excédent égal à ce dépassement au cours de l’année financière subséquente ». L’article 10 permet quant à lui au gouvernement d’encourir un déficit budgétaire pour plus d’une année sous certaines conditions. Le déficit constaté ou prévu doit être causé par l’une des circonstances suivantes : une catastrophe ayant un impact majeur sur les revenus ou les dépenses; une détérioration importante des conditions économiques; une modification dans les programmes de transferts fédéraux aux provinces qui réduirait de façon substantielle les paiements de transferts versés au gouvernement. Pour ces cas, le gouvernement doit, en vertu de l’article 11, résorber au cours d’une période maximale de cinq ans les dépassements encourus.
- La Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations a été adoptée en 2006. Elle vise à réduire le fardeau de la dette du gouvernement. Son article premier mentionne que « pour l’année financière 2025-2026, la dette représentant les déficits cumulés ne pourra excéder 17 % du produit intérieur brut du Québec et la dette brute ne pourra excéder 45 % de ce produit ». Le Rapport préélectoral sur l’état des finances publiques du Québec, publié en août 2022, prévoit l’atteinte de ces deux objectifs.
- L’article 2 de cette loi institue le Fonds des générations et précise que celui-ci sert exclusivement au remboursement de la dette brute. Le Québec a ainsi choisi de ne pas rembourser directement sa dette, mais plutôt de faire fructifier les revenus accumulés dans le Fonds. La Loi prévoit aussi les sources de revenus pour les versements au Fonds. En 2022-2023, les sommes les plus importantes provenaient d’Hydro-Québec et des revenus découlant des placements du Fonds. Au 31 mars 2022, la valeur comptable du Fonds des générations s’élevait à 15,8 milliards de dollars. Poursuivant les versements au rythme actuel, le ministère des Finances prévoit que la valeur atteindra 37,7 milliards de dollars en 2027.
- Comme il est précisé dans le plan budgétaire 2022-2023, « la bonne tenue de l’économie, l’assainissement des finances publiques et les versements au Fonds des générations ont contribué à la réduction graduelle de la dette en proportion du PIB lors des cinq années qui ont précédé la pandémie ». Avec la contraction de l’économie et la baisse des revenus causées par la pandémie, la dette a augmenté de façon importante en 2020-2021. En raison de la forte reprise économique, le poids de la dette diminue de nouveau.
En quelques chiffres
42,1 % du PIB Dette brute au 31 mars 2022 selon le Rapport préélectoral de 2022. Cela correspond à 212,6 milliards de dollars. C’est une baisse de 4,7 points de pourcentage par rapport à 2021. | 20,9 % du PIB Dette représentant les déficits cumulés au 31 mars 2022 selon le Rapport préélectoral de 2022. Cela correspond à environ 112,6 milliards de dollars. |
10,2 G$ Service de la dette en 2022-2023 selon le Rapport préélectoral de 2022. | 3,4 G$ Revenus consacrés au Fonds des générations en 2022-2023 selon le Rapport préélectoral de 2022. |
Récents travaux gouvernementaux sur le sujet
- Dans le budget 2021-2022 (p. A.24), Québec a annoncé la suspension de certains effets de la Loi sur l’équilibre budgétaire. Pour ce faire, l’article 7.1 a été introduit dans la Loi, permettant ainsi au gouvernement de reporter l’équilibre budgétaire en 2027-2028 plutôt qu’à l’intérieur de la période maximale de cinq ans qui y est normalement prévue. Le gouvernement a expliqué qu’il voulait « s’assurer d’une reprise durable de l’économie avant de mettre en place un retour à l’équilibre ». Il a annoncé que « les efforts de résorption du déficit budgétaire seront mis en œuvre lorsque le Québec aura retrouvé le plein emploi ».
- Dans le budget 2022-2023 (p. J.21), le gouvernement a annoncé qu’il « entend proposer des changements relativement à la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations dans le budget 2023-2024 ». Pour l’instant, il est seulement précisé que le nouvel objectif de réduction de la dette couvrira les dix à quinze prochaines années et tiendra compte d’enjeux actuels tels que le vieillissement de la population, la réduction des GES et les infrastructures publiques.
- En juillet 2021, le ministre des Finances a lancé un appel à la communauté des économistes universitaires. L’objectif étant de recevoir des propositions portant notamment sur les cibles ou les règles budgétaires que le gouvernement devrait se donner pour assurer une saine gestion des finances publiques. Les idées provenant du milieu universitaire sont diverses. Par exemple, en collaboration avec l’Association des économistes québécois, le CIRANO et l’Institut du Québec, la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke propose de moderniser la Loi sur l’équilibre budgétaire de façon à éviter de la suspendre en période de crise. Le panel d’experts suggère également de poursuivre les versements au Fonds des générations, de n’utiliser qu’un seul concept de dette et de définir une fourchette cible d’endettement plutôt qu’un objectif fixe. Selon eux, la réduction de la dette ne devrait pas être un exercice sans fin et une fois la fourchette cible atteinte, l’allocation des versements au Fonds pourrait être revue, mais devrait continuer d’être en lien avec l’équité intergénérationnelle. D’autres propositions du milieu universitaire incluent la réduction partielle ou complète des sommes versées au Fonds, la création de nouveaux objectifs ou l’élargissement de la mission du Fonds pour inclure les coûts reliés aux changements climatiques et au vieillissement de la population.
- Dans le budget 2021-2022 (p. H.12), Québec a annoncé qu’il procédait au changement d’application de la norme comptable sur les paiements de transfert. Le gouvernement se conforme ainsi à la recommandation du Vérificateur général, qui, pendant une dizaine d’années, a remis en question le calcul des subventions dans les états financiers consolidés du gouvernement, ce qui entraînait une sous-estimation de la dette.
Ailleurs au Canada et dans le monde
- La Norvège possède le plus grand fonds souverain au monde. Le Government Pension Fund Global est alimenté par l’ensemble des profits tirés des hydrocarbures et des revenus découlant de leurs placements. À l’instar du Fonds des générations, il s’inscrit dans une logique d’équité intergénérationnelle. Il a toutefois une portée plus large que le remboursement de la dette et vise à faire profiter les générations futures de la richesse issue de l’exploitation pétrolière. En 2022, Norges Bank Investment Management, qui opère le fonds, estimait sa valeur à plus de 1500 milliards de dollars canadiens.
- La dette nette du gouvernement fédéral représente 52 % du PIB tandis que la moyenne des provinces canadiennes est de 33 %. Avec une dette nette s’établissant à 38 % du PIB en 2022 selon le Rapport préélectoral, le Québec se classe au troisième rang des provinces les plus endettées, derrière Terre-Neuve-et-Labrador (43,5 %) et l’Ontario (40,8 %).
- Dans son Rapport sur la viabilité financière de 2022, le directeur parlementaire fédéral du budget estime que les politiques budgétaires actuelles de quatre provinces sont viables à long terme : celles du Québec, de la Nouvelle-Écosse, de la Saskatchewan et de l’Alberta.
Pour aller plus loin
- CFFP, Panorama des finances publiques du Québec – Édition 2022, juin 2022.