Matière à réflexion – L’isolement social et la solitude des aînés

Attentif aux sujets qui pourraient interpeller les parlementaires dans leur travail, le Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale propose des notes de recherche et d’information sur des thèmes d’actualité et des enjeux émergents. C’est le cas de la série Matière à réflexion, qui rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur certaines questions d’intérêt public.

L’une des répercussions de la pandémie de COVID-19 a été d’aggraver l’isolement social et la solitude des personnes âgées et de rediriger cet enjeu sous les projecteurs de l’actualité et dans les préoccupations de la population. Avec le vieillissement démographique, ce défi collectif demeurera certainement d’actualité dans les prochaines années. En effet, en 2021, les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient 20,3 % de la population québécoise. Selon l’Institut de la statistique du Québec, cette proportion atteindra 26 % en 2041.

Cette fiche Matière à réflexion fait d’abord la distinction entre les concepts d’isolement social et de solitude des aînés. En plus d’aborder les causes du problème, les groupes à risque et les conséquences d’un isolement prolongé, la note présente plusieurs exemples d’interventions sociales pour répondre à ce défi. Enfin, il est question d’initiatives récentes en la matière, au Québec et ailleurs dans le monde. Comme d’autres travaux réalisés par le Service de la recherche, cette note est également accessible sur le site Web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale.

Catherine Lanouette
Service de la recherche

En quelques mots

  • En 2021, les personnes âgées de 65 ans et plus représentaient 20,3 % de la population au Québec, selon la Vitrine statistique sur le vieillissement de la population de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Avec la croissance rapide de ces effectifs, les enjeux liés à l’isolement social et à la solitude sont de plus en plus préoccupants, au Québec comme à l’étranger.
  • L’isolement social est communément défini comme le fait d’avoir très peu de contacts sociaux ou un faible niveau d’engagement dans la communauté. Il s’agit d’une notion qui est davantage quantifiable que celle de la solitude, qui est souvent considérée comme la contrepartie subjective à l’isolement social. Bien qu’il soit possible d’éprouver de la solitude même en étant bien entouré, l’isolement social augmente la probabilité de se sentir seul.
  • L’isolement social des aînés peut être causé par divers facteurs : vivre seul, ne pas avoir d’enfants, le décès d’un conjoint, le déménagement des membres de la famille, le manque d’aisance avec les technologies de l’information et de la communication, les troubles du langage et/ou de l’ouïe, la perte de mobilité, la crainte de tomber, le manque de moyens de transport, la révocation du permis de conduire, etc. Certains groupes sont plus susceptibles d’être isolés : les femmes, les aîné(e)s proches aidant(e)s, les personnes à faible revenu, les aîné(e)s autochtones, les aîné(e)s immigrant(e)s, les aîné(e)s LGBTQ+ et les personnes vivant en région rurale ou éloignée.
  • Dans son rapport Lutter contre l’isolement social et la solitude des personnes aînées en contexte de pandémie, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) note que plusieurs facteurs de risque ont été exacerbés durant la pandémie de COVID-19, dont une situation financière plus précaire, la perte d’un proche, un âgisme plus manifeste et une vulnérabilité psychologique accrue. L’INSPQ souligne que « les communautés qui jouissent d’une plus grande résilience communautaire et d’une bonne cohésion sociale résistent mieux dans l’adversité et se relèvent mieux de traumatismes majeurs ». En contexte de crise sanitaire, il serait donc préférable, selon l’INSPQ, de miser sur des approches visant ces aspects et privilégier une vision positive des personnes de ces groupes d’âge.
  • Les conséquences de la solitude et de l’isolement social prolongé se traduisent de plusieurs façons sur la santé des 65 ans et plus : augmentation des risques de démence et de régression cognitive, de dépression, de suicide, d’une baisse du système immunitaire, de malnutrition, d’un état d’hypervigilance, de troubles du sommeil, etc. Selon Holt-Lunstad et coll. (2010), la solitude et l’isolement social augmenteraient les risques de mortalité et seraient aussi dangereux pour la santé que l’alcoolisme, l’obésité et le tabagisme.
  • À l’échelle sociétale, la solitude et l’isolement social sont associés à une augmentation des visites à l’hôpital ainsi qu’à des placements prématurés en établissement de soins, ce qui se traduit par des coûts plus élevés pour le système de santé. L’isolement des aînés entraîne aussi des conséquences économiques : leur participation au marché du travail et aux activités de bénévolat diminue. Ces conséquences sont particulièrement importantes dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. À cette fin, un crédit d’impôt pour prolongation de carrière est disponible afin d’encourager les travailleurs âgés de 60 ans et plus à demeurer ou à retourner sur le marché du travail.
  • Plusieurs interventions sociales pour lutter contre l’isolement et la solitude des aînés ont fait l’objet d’études. Les programmes d’amitié, comme l’offre l’organisme Les Petits Frères, les services de transport, la zoothérapie, les cours d’informatique, les lignes d’écoute, les centres pour aînés et la prescription sociale en sont des exemples. Selon le Rapport mondial sur le vieillissement et la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les interventions qui regroupent plusieurs aînés ensemble ont tendance à être plus efficaces que les interventions individuelles. De plus, comme le note Freedman (2020), les coûts peuvent être un obstacle à la participation à des programmes sociaux. Ainsi, considérant que les activités sociales sont souvent délaissées par les personnes à faible revenu, promouvoir auprès des aînés les avantages gouvernementaux dont ils peuvent bénéficier et les encourager à faire leur déclaration de revenus pourrait aider à briser l’isolement.

En quelques chiffres

1200 milliards
Coût global ($ US) associé aux soins des personnes atteintes de démence, un des risques de santé associés à l’isolement, dans le monde selon les prévisions de l’OMS pour 2030..
26 %
Proportion des personnes âgées de 65 ans et plus dans la population québécoise en 2041 selon la Vitrine statistique sur le vieillissement de la population de l’ISQ.

Initiatives québécoises en la matière

  • Le plan d’action 2018-2023 Un Québec pour tous les âges est le deuxième plan d’action gouvernemental issu de la politique Vieillir et vivre ensemble. Le vieillissement actif se trouve au cœur de cette stratégie lancée en 2012. Ce concept est défini par l’OMS dans son cadre d’orientation Vieillir en restant actif, comme étant le « processus consistant à optimiser les possibilités de bonne santé, de participation et de sécurité afin d’accroître la qualité de vie pendant la vieillesse ». Afin de concrétiser les 85 mesures qu’il énonce, le plan d’action 2018-2023 prévoit des investissements totaux de 12,3 milliards de dollars sur cinq ans. Une des priorités d’intervention est l’amélioration du « soutien aux organismes locaux et régionaux qui favorisent la participation sociale des aînés et contribuent à l’amélioration de leur qualité de vie ».
  • Le plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027 « vise à sensibiliser la population, à développer des pratiques favorisant la bientraitance, à former différents acteurs à ce phénomène, à améliorer la gestion des situations de maltraitance et, finalement, à développer des connaissances liées à la maltraitance ».
    • Le plan d’action 2022-2027 identifie sept types de maltraitance. En ce qui a trait à la maltraitance psychologique, la forme la plus fréquente et la moins visible, on y indique que l’isolement social peut être une forme de négligence.
    • L’isolement et un réseau social peu développé sont considérés comme des facteurs de risque pouvant favoriser le développement de situations de maltraitance. Privilégier l’inclusion et la participation sociales est l’un des six principes directeurs de la bientraitance. Cela « apporte du bien-être aux personnes aînées qui souhaitent briser leur isolement et contribuer à la société ».
    • Enfin, le plan d’action indique qu’en plus de briser l’isolement social, les appels et visites d’amitié sont des moyens pour repérer des situations de maltraitance à domicile.

Ailleurs au Canada et dans le monde

  • Au Royaume-Uni, une commission parlementaire transpartisane sur la solitude a été mise sur pied en 2016. L’année suivante, la commission publie son rapport Combating loneliness one conservation at a time. La première ministre Theresa May accepte plusieurs des recommandations qui y sont énoncées, dont celles sur l’élaboration d’un plan national visant à lutter contre la solitude et la nomination d’un ministre responsable de la solitude. La stratégie, publiée en 2018, vise notamment à développer la recherche sur la solitude, dont l’élaboration d’outils de mesure. Des fonds sont aussi alloués à des initiatives communautaires et à des organismes publics.
  • Au Japon, en réponse à l’augmentation du taux de suicide et de dépression durant la pandémie de COVID‑19, le premier ministre Suga a nommé un ministre responsable de la solitude et de l’isolement. En juin 2021, les ministres britannique et japonais se sont rencontrés et ont accepté de renforcer la coopération bilatérale des deux pays dans le domaine de la recherche et de la lutte contre la solitude.
  • En 2006, l’OMS a lancé le Projet mondial des villes-amies des aînés. Quatre villes canadiennes, dont Sherbrooke, ont participé au projet-pilote visant à promouvoir le vieillissement actif et à déterminer des moyens pour les villes d’améliorer leur convivialité envers les personnes aînées. Au Québec, depuis 2009, « plus de 1000 municipalités, municipalités régionales de comté (MRC) et communautés autochtones ont bénéficié du programme de soutien à la démarche Municipalité amies des aînés (MADA), rejoignant ainsi 93,5% de la population québécoise ».

Pour aller plus loin