Une nouvelle exposition sur le suffrage féminin à l’Assemblée nationale!

Le 9 février 1922, une délégation de près de 500 femmes se rend au parlement de Québec pour demander au premier ministre, Louis-Alexandre Taschereau, d’accorder aux Québécoises le droit de voter et d’être candidates aux élections provinciales. Ces femmes, provenant de différents milieux, jeunes et moins jeunes, francophones et anglophones, unissent leurs efforts pour que les Québécoises obtiennent le droit légitime d’être reconnues citoyennes aux élections provinciales. C’est le début d’un long combat! Pendant de nombreuses années, elles militent, reviennent au parlement année après année et présentent de multiples projets de loi pour finalement obtenir gain de cause, en 1940. Cent ans plus tard, l’Assemblée nationale reconnaît la lutte de ces femmes courageuses en présentant l’exposition 9 février 1922, elles marchent vers le parlement!

Marise Falardeau
Service des archives et de la gestion documentaire

Mais le combat de ces suffragistes commence bien avant le 9 février 1922. Au Bas-Canada, le droit de vote n’est pas réservé aux hommes. L’Acte constitutionnel de 1791 permet aux propriétaires et aux locataires payant un loyer de voter sous certaines conditions, sans distinction de genre ou de statut. C’est donc par omission que les femmes, tout comme les Autochtones ou les catholiques, peuvent voter au Canada, droit qu’ils n’auraient pas en Grande-Bretagne. Au milieu du 19e siècle, des parlementaires du Bas-Canada tentent toutefois de corriger cette « anomalie » historique afin d’exclure les femmes de la politique. Déjà confinées dans la sphère domestique, à la suite d’une modification à la loi électorale, elles perdent ce droit en 1849.

Toutefois, le désir de certaines femmes de s’impliquer dans la vie publique ne disparaît pas pour autant. Vers la fin du 19e siècle, les premières féministes québécoises commencent à se regrouper autour d’organisations visant principalement l’amélioration de leurs conditions de travail, l’admission aux études supérieures, la valorisation des droits des femmes mariées et le suffrage féminin. Plusieurs de ces pionnières tracent la voie au mouvement suffragiste qui prend véritablement son essor au Québec au tournant des années 1920.

C’est à cette époque que le Comité provincial pour le suffrage féminin encourage un groupe de femmes à se rendre au parlement de Québec, le 9 février 1922, pour exposer au premier ministre Louis-Alexandre Taschereau leur requête en faveur du suffrage féminin. Près de 500 Québécoises se massent au Café du Parlement, toutes unies derrière leurs représentantes : Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, Grace Julia Parker Drummond, Carrie Matilda Derick, Idola Saint-Jean et Thérèse Casgrain. Un mois plus tard, malgré de vives réactions et des débats orageux dans les journaux, un premier projet de loi en faveur du suffrage féminin est déposé à l’Assemblée législative par le député Henry Miles. Malgré un refus catégorique, les suffragistes ne se découragent pas et, de 1927 à 1940, des délégations de femmes, menées par Idola Saint-Jean et Thérèse Casgrain, font un pèlerinage annuel pour faire valoir leurs droits au Parlement. Pendant les années 1930, elles militent activement pour rallier la faveur populaire à leur cause. Elles distribuent des dépliants, organisent des assemblées publiques et font la promotion de leurs idées à la radio et dans les journaux.

Les événements se précipitent à partir de 1938. Le Parti libéral tient son congrès à Québec. Des femmes y participent pour la première fois. Adélard Godbout, chef du parti, accepte que cette mesure soit inscrite au programme électoral. Après la victoire électorale du Parti libéral en 1939, de nombreuses lettres et pétitions sont envoyées à Godbout pour lui rappeler sa promesse. Malgré l’opposition persistante du clergé et des « antisuffragistes », le projet de loi 18 sur le suffrage féminin est présenté en Chambre et adopté le 18 avril 1940. Les femmes pourront dorénavant voter. Pour les Autochtones, hommes et femmes, il faudra attendre 1969 pour que ce droit leur soit accordé.

Près de 20 ans après l’adoption du bill 18, une première femme, Marie-Claire Kirkland-Casgrain, est élue au Parlement de Québec lors de l’élection partielle du 14 décembre 1961 dans la circonscription montréalaise de Jacques-Cartier. Pour cette première élue et pour les autres qui suivront, l’incursion dans un monde masculin est un défi. Ces femmes réussissent toutefois à faire adopter plusieurs projets de loi favorables à l’avancement de la condition féminine et tracent la voie à une future génération de politiciennes.

Le combat mené par ces pionnières a changé la société québécoise. Non seulement ont-elles permis aux femmes d’exercer leurs droits civiques, elles ont aussi insufflé un nouveau discours au Parlement, mis en place des réformes sociales et fait adopter des lois plus équitables.

Mettant en valeur les riches collections d’archives de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, l’exposition 9 février 1922, elles marchent vers le parlement! retrace cette histoire – celle de ces militantes résilientes et persévérantes – qui ont permis aux Québécoises de devenir citoyennes dans leur province.

L’exposition est présentée au pavillon d’accueil de l’Assemblée nationale du 9 février au 16 décembre 2022 en visites libres, en visites guidées ou en version virtuelle.

Pour terminer, voici quelques éléments à découvrir dans cette exposition :

  • Le documentaire 9 février 1922 propose un résumé de l’histoire du suffrage féminin au Québec à travers les interventions des historiennes Denyse Baillargeon, Mylène Bédard et Sophie Imbeault.
  • L’œuvre d’art 9 février 1922, offerte par l’artiste Patrick Lavallée, vise à rendre hommage à toutes les femmes, souvent méconnues, qui ont milité afin d’être reconnues comme des citoyennes à part entière dans leur province. Surnommé le « gosseux », Patrick Lavallée est un artiste en art populaire qui crée des pièces aux couleurs vives inspirées par l’histoire du Québec, ses légendes et ses traditions. Son œuvre, conçue à partir de matières recyclées, est présentée dans le pavillon d’accueil de l’Assemblée nationale jusqu’au 16 décembre 2022.
Photo : Mélanie Chalifour
Photo : Mélanie Chalifour
Photo : Mélanie Chalifour
  • Le discours manuscrit de Marie Lacoste-Gérin-Lajoie prononcé le 9 février 1922 au parlement, document phare dans la lutte des suffragistes québécoises, est présenté dans cette exposition grâce à un prêt de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Neuf employées de l’Assemblée nationale ont prêté leur voix afin de faire revivre ces paroles centenaires.
Photo : BAnQ Vieux-Montréal
Photo : BAnQ Vieux-Montréal
  • Tous les débats de l’Assemblée législative entourant la question du suffrage féminin, de 1867 jusqu’à l’adoption du projet de loi accordant le droit de vote et d’éligibilité aux Québécoises en 1940, ont été compilés par la Bibliothèque de l’Assemblée nationale afin d’apporter un éclairage sur les mentalités de l’époque. Voici un extrait d’une intervention du député Henri Bourassa sur le sujet:
Collection Alain Gariépy. Assemblée nationale du Québec.

Je suis d’avis que la femme remplit bien mieux son devoir social en élevant ses enfants qu’en courant les comités électoraux et en donnant des taloches aux députés, comme la chose se pratique en Europe. – Henri Bourassa, député de Saint-Hyacinthe, 13 février 1912.

  • Avec la collaboration de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, les enregistrements sonores promotionnels réalisés dans le cadre de la campagne électorale de 1976 de Lise Payette, première titulaire de la fonction de ministre déléguée à la Condition féminine, ont été revisités avec l’ajout d’images d’époque. Le tout accompagné d’une participation spéciale d’Yvon Deschamps!
  • L’exposition sera accompagnée d’une émission en baladodiffusion. Complément d’information, extraits d’entrevues, lecture de documents d’archives, ce balado approfondira quelques thèmes de la quête des suffragistes québécoises en remettant en contexte l’histoire et les courants de pensée. Détails à venir sous peu!

Bonne visite!