L’encadrement des microplastiques à travers le monde

Les microplastiques sont des particules de cinq millimètres et moins issues de la dégradation des déchets plastiques, de l’usure des textiles synthétiques et des produits industriels. Ils se retrouvent dans de nombreux écosystèmes, affectant ainsi la qualité de l’eau, la faune marine et potentiellement la santé humaine. 

Cet article se penche sur les principales initiatives adoptées à travers le monde en ce qui a trait aux sources de microplastiques: les plastiques à usage unique, les plastiques intentionnellement ajoutés dans des produits cosmétiques et de nettoyages, les fibres synthétiques issues de la pétrochimie, les granulés de plastique et les pneus. 

Préparée par le Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, cette note d’information est également accessible sur le site Web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, comme celle sur la pollution plastique, publiée en mars 2025. 

Analyse et rédaction
Catherine Lanouette
Service de la recherche
Recherche documentaire
Claudette Robillard
Service de l’information

Les microplastiques

Les microplastiques sont des particules de cinq millimètres et moins qui se retrouvent dans l’environnement entre autres par le rejet des eaux usées, une mauvaise gestion des matières résiduelles et la fragmentation des déchets. Ils proviennent principalement des pneus, des textiles synthétiques, de la peinture, des marquages routiers, des articles cosmétiques et de nettoyage, des granulés de plastique et des poussières urbaines[1].

On ne connaît pas encore parfaitement les effets des microplastiques sur la santé humaine. Les conséquences sur les animaux restent également à préciser. La question est complexe puisque les plastiques comportent souvent des additifs comme des métaux. Les polymères peuvent aussi absorber des produits chimiques comme des perturbateurs endocriniens et des polluants organiques persistants. Des effets toxicologiques variables sur la physiologie, le métabolisme, le comportement et la reproduction ont été constatés sur les coraux, les huîtres et certains types de poissons[2].

Les organismes de petite taille comme les crustacés et les poissons, qui sont à la base de la chaîne alimentaire, ingurgitent des microplastiques qui se trouvent dans l’eau. Les prédateurs, y compris les humains, qui se nourrissent de ces animaux, ingèrent donc indirectement des microplastiques.

Dans une étude[3] réalisée en collaboration avec le ministère de l’Environnement de l’Ontario, des chercheurs de l’Université de Toronto concluent que les poissons de la baie Humber du lac Ontario, près de Toronto, contiennent de neuf à douze fois plus de microplastiques que certains produits offerts en épicerie, comme les goberges d’Alaska. Les chercheurs ont recensé, en moyenne, 138 microparticules de plastique par poisson[4].

Le fleuve Saint-Laurent n’échappe pas à cette forme de pollution. Les résultats d’une étude réalisée en 2017 montrent que la concentration moyenne de microplastiques était parmi les plus élevées des systèmes d’eau douce et marins analysés à ce jour[5].

Échos médiatiques

Pierre Saint-Arnaud, « Des scientifiques analyseront les plastiques dans le parc marin Saguenay–Saint-Laurent », Le Devoir, 9 juillet 2024.

Législations, normes et mesures

Les effets négatifs des microplastiques sur l’environnement et la santé ont poussé plusieurs États à légiférer sur l’utilisation et l’élimination des matières plastiques. L’Union européenne a été particulièrement active dans les dernières années relativement à la pollution plastique. Son plan d’action « Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols » a notamment comme objectif pour 2030 de réduire de 30 % la quantité de microplastiques rejetés dans l’environnement. Les sections qui suivent présentent les principales initiatives adoptées à travers le monde en ce qui a trait aux sources de microplastiques : les plastiques à usage unique, les plastiques intentionnellement ajoutés dans des produits cosmétiques et de nettoyages, les fibres synthétiques issues de la pétrochimie, les granulés de plastique et les pneus.

Les plastiques à usage unique

Une grande partie des microplastiques provient de la dégradation de macroplastiques, ces produits de plastique sous leur forme manufacturée initiale ou de gros débris. Réduire le recours à de tels objets est un moyen efficace de réduire la présence de microplastiques. Dans les dernières années, plusieurs États ont interdit les plastiques à usage unique.

En juin 2022, le gouvernement canadien a publié le Règlement interdisant les plastiques à usage unique. Il proscrit la fabrication, l’importation et la vente de six catégories d’article: les anneaux pour emballage de boissons, les bâtonnets à mélanger, les pailles, les récipients alimentaires fabriqués à partir de certains plastiques, les sacs d’emplettes et les ustensiles.

Plusieurs États ont adopté des dispositions similaires. L’Union européenne va pour sa part plus loin et interdit les cotons-tiges, les ballons gonflables et leurs tiges. Pour d’autres produits en plastique qui demeurent accessibles, comme les bouteilles, des modifications aux couvercles et aux bouchons sont requises afin de rendre ceux-ci inséparables. De plus, une directive de l’Union européenne exige que les tampons, les serviettes sanitaires, les lingettes humides, les gobelets pour boissons et les produits du tabac avec filtres comportent un pictogramme afin d’informer les personnes qui les consomment de la présence de plastique dans le produit, des moyens d’élimination à éviter et des effets négatifs d’une élimination inappropriée sur l’environnement.

Les produits de nettoyage et les cosmétiques

La première législation nationale pour encadrer les microplastiques dans les produits cosmétiques a été adoptée par le Congrès américain en 2015. Le Microbead-Free Waters Act visait à répondre aux préoccupations concernant la présence de microbilles dans les systèmes de traitement des eaux et ses effets sur la faune marine[6]. Étant donné que plusieurs États fédérés avaient déjà mis en place des mesures législatives, la Loi a aussi comme objectif d’uniformiser l’encadrement. Elle interdit la fabrication, l’emballage et la vente de produits cosmétiques à rincer contenant des microbilles de plastique. Cela s’applique également aux médicaments en vente libre comme les dentifrices.

Au Canada, le Règlement sur les microbilles dans les produits de toilette, adopté en 2017, interdit de fabriquer, d’importer et de vendre tout produit de toilette qui contient des microbilles. Cela comprend « les exfoliants, servant à la toilette et à l’hygiène personnelles » et les produits destinés « aux soins des cheveux, de la peau, des dents ou de la bouche ». Les microbilles ont été inscrites à la liste des substances toxiques (annexe 1) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) en 2016.

Plusieurs États à travers le monde, comme l’Argentine, le Royaume-Uni, l’Irlande et la Suède ont adopté des initiatives similaires. La Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (ci-après, « Loi contre le gaspillage ») mise de l’avant par la France apparaît être la plus complète. L’article 82 de ce texte de loi met fin à la vente de plusieurs catégories de produits contenant des microbilles : cosmétiques à rincer, produits d’entretien et de nettoyage et détergents à lessive.

Les textiles synthétiques

Aujourd’hui, les fibres synthétiques issues de la pétrochimie constitueraient environ 60 % des produits textiles neufs[7]. Les microplastiques qui composent les vêtements se retrouvent dans les eaux usées par la lessive, puis dans l’environnement par le rejet de ces eaux. En France, en vertu de la Loi contre le gaspillage, les machines à laver doivent être dotées d’un filtre à microfibres de plastique ou de toute autre solution interne ou externe depuis le 1er janvier 2025, « afin de réduire la dispersion des microfibres de plastique dans l’environnement issues du lavage du linge[8] ».

Aux États-Unis, dans un rapport remis au Congrès, l’Interagency Marine Debris Coordinating Committee recommande plusieurs actions à mettre en œuvre pour réduire la pollution issue des microfibres synthétiques. Il est notamment question de repenser la conception des tissus, afin que ceux-ci soient plus résistants, non toxiques et biodégradables. Selon le Comité, il est aussi possible de réduire la pollution par les microfibres aux étapes de la production et de la fabrication textiles. Un prélavage des tissus dans les installations qui disposent d’un système de traitement des eaux usées adéquat pourrait être efficace. En ce qui a trait aux filtres sur les machines à laver, le Comité note qu’ils donnent de bons résultats. Il recommande toutefois de sensibiliser davantage la population à la pollution plastique issue des vêtements et aux moyens qui existent pour y remédier. Le réemploi des vêtements, le fait de privilégier les tissus naturels, de lessiver à l’eau froide, d’utiliser moins de détergent et d’élaborer de meilleurs guides d’entretien sont d’autres bonnes pratiques à adopter.

En 2022, la Commission européenne a adopté la Stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires. Le plan vise notamment à introduire des exigences obligatoires en matière d’écoconception « afin d’accroître les performances des textiles en termes de durabilité, de réemployabilité, de réparabilité, de recyclabilité des fibres en boucle fermée et de teneur obligatoire en fibres recyclées, de réduire au minimum et de pouvoir tracer la présence de substances préoccupantes, et de réduire les effets néfastes sur le climat et l’environnement ».

La Commission propose aussi d’obliger les grandes entreprises à publier le nombre de produits qu’elles rejettent et la manière dont ceux-ci sont détruits. Des interdictions de destructions des invendus pourraient être introduites. Dans la même optique de transparence, la Commission développe actuellement un passeport numérique des produits dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2027. La fiche regroupera notamment des informations sur « la circularité et d’autres aspects environnementaux essentiels[9] ».

Échos médiatiques

Jean-Louis Bordeleau, « Vers un « passeport numérique » québécois pour l’exportation en Europe », Le Devoir, 17 avril 2025.

Les granulés plastiques

Les granulés plastiques sont des microplastiques utilisés principalement à des fins de remplissage. Comme tout produit qui est composé de plastique, la fin de vie utile d’une structure ou d’un objet rempli de ces granules pose un défi environnemental. Leur transport, en quantité industrielle, est aussi un enjeu de taille. En décembre 2023, six conteneurs d’un navire marchand ont basculé dans l’océan Atlantique, dont l’un transportait environ 1000 sacs de granules de plastique, soit plus de 25 tonnes[10].

Échos médiatiques

Brais Lorenzo et Marie Giffard, « Des plages espagnoles infestées de micro-billes de plastique », La Presse, 9 janvier 2024.

En France, en vertu de l’article 83 de la Loi contre le gaspillage, les sites de production, de manipulation et de transport de granules de plastiques industriels doivent, depuis le 1er janvier 2022, être dotés « d’équipements et de procédures permettant de prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l’environnement ».

En octobre 2023, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques. Selon la Commission, les pertes de granulés plastiques dans l’environnement sont la troisième source de rejets non intentionnels de microplastiques. Elles représentent l’équivalent de 2100 à 7300 camions remplis de granulés déversés chaque année dans l’environnement.

Le Parlement européen a adopté la proposition de règlement le 23 avril 2024[11]. L’objectif est de réduire de 54 % à 74 % les pertes de granulés. Le règlement introduit l’ordre de priorité suivant : prévention pour éviter tout déversement, confinement des granulés déversés et nettoyage après une perte. Plus précisément, les opérateurs économiques devront établir un plan d’évaluation pour chaque installation et disposer d’un certificat délivré par un tiers indépendant. Ces mesures complètent le Règlement (UE) 2023/2055 de la Commission européenne, adopté en septembre 2023, qui oblige entre autres les entreprises à fournir des informations sur l’utilisation et l’élimination des granulés et à communiquer les estimations des quantités rejetées.

Les pneus sur les routes… et jusqu’aux terrains sportifs

L’abrasion des pneus, composés de caoutchouc synthétique, une substance issue des hydrocarbures fossiles, libère des microplastiques. Leur conception, le poids du véhicule, le revêtement routier et la conduite sont des facteurs qui influencent l’usure des pneus. En 2022, la Commission européenne a publié la proposition de règlement Euro 7 qui prévoit « l’établissement de limites d’abrasion des pneumatiques destinés à être mis sur le marché de l’Union[12] ».

La Commission européenne a aussi interdit l’utilisation de granules issus de pneus recyclés pour les terrains de sport et de jeux synthétiques par l’intermédiaire du Règlement (UE) 2023/2055, qui vise à limiter les microplastiques ajoutés intentionnellement aux produits en vertu de la réglementation de l’Union européenne sur les produits chimiques (REACH).

Aux États-Unis, les États du Vermont et de New York ont banni l’utilisation de certains produits chimiques dans la fabrication de terrains artificiels[13]. En 2022, Boston a interdit la construction de nouveaux terrains synthétiques et en 2023, le Massachusetts a légiféré pour empêcher les municipalités et les écoles d’en construire d’autres. Les principales raisons évoquées par les autorités sont la présence de métaux lourds et de substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques (PFAS) dans les granules.


  1. France (Inspection générale de l’environnement et du développement durable), La pollution par les microplastiques d’origine textile, 5 mars 2024. [retour]
  2. France (Inspection générale de l’environnement et du développement durable), op. cit. [retour]
  3. Milne, M.H. et autres, « Microplastics and Anthropogenic Particles in Recreationally Caught Freshwater Fish from an Urbanized Region of the North American Great Lakes ». Environmental Health Perspectives, 2024, 132(7). [retour]
  4. La Presse canadienne, « 12 fois plus de microplastiques dans les poissons du lac Ontario qu’en magasin », Radio-Canada, 17 juillet 2024. [retour]
  5. A, Crew, I. Gregory-Eaves, et A. Ricciardi, « Distribution, abundance, and diversity of microplastics in the upper St. Lawrence River ». Environmental Pollution, 2020, 260. [retour]
  6. U.S. Food and Drug Administration, The Microbead-Free Waters Act : FAQs, 25 février 2022. [retour]
  7. France (Inspection générale de l’environnement et du développement durable), op. cit. [retour]
  8. Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, art. 79. [retour]
  9. Commission européenne, Stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires, 30 mars 2022. [retour]
  10. Cécile Thibaud, « Une marée blanche de microbilles de plastique envahit les plages de Galice », Les Echos, 11 janvier 2024. [retour]
  11. Résolution législative du Parlement européen du 23 avril 2024 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques. [retour]
  12. Commission européenne, « Action de l’Union européenne contre les microplastiques », 2023, 18 p. [retour]
  13. Justin Dupuis, « Les risques associés aux terrains synthétiques inquiètent peu au N.-B. », Radio-Canada, 5 mai 2024. [retour]