
Véronique Cormier
Équipe du développement des collections et traitement documentaire
Le Dictionnaire infernal est l’œuvre la plus populaire de Jacques Collin de Plancy (1794-1881), auteur français spécialisé dans l’occultisme. En 1818, il publie la première édition de son ouvrage, suivie en 1825 d’une deuxième édition plus volumineuse. Quelques rééditions suivront jusqu’en 1863, année de publication de la sixième et dernière édition. Quelque peu différente, celle-ci présente 800 nouveaux articles ainsi que des illustrations de démons réalisées par Louis Le Breton. Comme en témoigne son titre sans fin : Dictionnaire infernal, ou, Recherches et anecdotes, sur les démons, les esprits, les fantômes, les spectres, les revenants, les loups-garoux, les possédés, les sorciers, le sabbat, les magiciens, les salamandres, les sylphes, les gnomes, etc., les visions, les songes, les prodiges, les charmes, les maléfices, les secrets merveilleux, les talismans, etc. ; en un mot, sur tout ce qui tient aux apparitions, à la magie, au commerce de l’enfer, aux divinations, aux sciences secrètes, aux superstitions, aux choses mystérieuses et surnaturelles etc., etc., etc., l’ouvrage répertorie les connaissances concernant l’occultisme, le surnaturel et le bizarre. L’auteur compile et rassemble des notions de plusieurs documents de l’époque. Il présente donc un résumé de ses nombreuses lectures :
J’ai consulté tous les livres qui, à ma connaissance, traitent des superstitions diverses, et de cent mille extravagances infernales, qui dégradent l’esprit humain. J’ai choisi les faits les plus remarquables et ce qui nous touche de plus près. J’ai analysé les principales divinations, dont on n’a donné jusqu’ici qu’une idée souvent fausse[1].
La Bibliothèque de l’Assemblée nationale possède la première édition du Dictionnaire infernal, que Collin de Plancy rédige alors qu’il est anticlérical, non-croyant et adepte de la philosophie des Lumières. . En 1841, l’auteur se convertit à la religion catholique[2]. C’est ainsi que les quatre éditions suivantes sont davantage en accord avec les principes prônés par l’Église, qui en approuve même la publication. Le Dictionnaire infernal de 1818, dont il est question dans cet article, est publié en deux volumes pour un total de 794 pages et édité par Pierre Mongié à Paris[3].
De Adrameleck « Grand chancelier des enfers, président du haut conseil des diables[4] » à Zoroastre « […] le premier et le plus ancien de tous les magiciens […][5] », le Dictionnaire infernal est une mine d’or d’informations. Il présente des définitions reflétant les courants de pensée du XIXe siècle. Par exemple, les somnambules sont décrits comme étant « Des gens d’une imagination vive, d’un sang trop bouillant, font souvent en dormant ce que les plus hardis n’osent entreprendre éveillés[6]. » Aujourd’hui, les perceptions sont plutôt différentes, il s’agit simplement de gens qui marchent en dormant. Quoique parfois effrayants et surprenants, les somnambules ne sont pas reconnus comme des personnes particulièrement courageuses!


Pour certains termes du dictionnaire, les articles ne présentent pas seulement des définitions, mais aussi des anecdotes ou des histoires que beaucoup croyaient vraies à l’époque. Par exemple, la définition du terme vampire est accompagnée de quelques expériences surprenantes, dont celle-ci : « En 1726, on ouvrit la fosse d’un vampire, qu’on trouva l’œil éveillé, le teint frais et l’air gaillard. On lui fit enfoncer un pieu dans le cœur, on lui coupa la tête […], après quoi il ne suça plus personne […][7] ». Le Dictionnaire infernal s’emploie comme un ouvrage de référence traditionnel et les termes y sont classés en ordre alphabétique. Cependant, c’est en feuilletant le document que l’on approfondit nos connaissances sur les différents sujets reliés à l’occultisme. On y découvre, entre autres, de nombreux types de divination, dont l’alectryomancie (« divination par le moyen du coq[8] »), la catoptromancie (« divination par le moyen d’un miroir[9] ») ou bien la gastromancie (« divination par le ventre […][10] »). On y apprend aussi que : « Si la huppe chante, avant que les vignes ne germent, c’est un signe d’abondance du vin[11] ».


Publié il y a plus de 200 ans, le Dictionnaire infernal est encore aujourd’hui un ouvrage de référence dans le domaine de l’occultisme et de l’insolite[12]. Il nous renseigne sur les idéaux d’une époque où le surnaturel et le mystique fascinaient la population. Les croyances étaient parfois si fortes que la préparation d’un gâteau triangulaire de Saint-Loup pouvait faire des miracles : « On faisait ce gâteau, le 29 juillet, avant le lever du soleil, […] en forme triangulaire. On le donnait, par aumône, au premier pauvre qu’on rencontrait, pour rompre les maléfices[13]. »
Sources consultées
Collin de Plancy, Jacques Auguste Simon, Dictionnaire infernal, ou, Recherches et anecdotes, sur les démons, les esprits, les fantômes, les spectres, les revenants […], Paris, P. Mongié, 1818, 2 volumes, 794 pages.
« Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy (1794-1881) », dans BNF Data, Paris, Bibliothèque nationale de France.
NOBLET, Eddy. « Le Dictionnaire infernal, par Collin de Plancy », dans Le Blog Gallica, Paris, Bibliothèque nationale de France 4 novembre 2021.
Pierre Mongie (1766?-1858), dans BNF Data, Paris, Bibliothèque nationale de France.
« Présentation », dans J.-A.-S Colin de Plancy, Dictionnaire infernal, ou, Recherches et anecdotes, sur les démons, les esprits, les fantômes, les spectres, les revenants […] [Fichier PDF], Paris, Éditions Fetjaine, 2010, p. 5-15. [https://excerpts.numilog.com/books/9782354252021.pdf]
- J.A.S. Collin de Plancy. Dictionnaire infernal […], vol. 1, Paris, P. Mongié, 1818, p. x. [retour]
- Sur le curieux parcours de Collin de Plancy, voir notamment Alain Sandrier, « Une fraude pieuse ou comment le bon sens est revenu à saint Meslier », dans Romantisme, 2009/2 (n° 144), p. 129-141. [retour]
- Pourquoi et quand la Bibliothèque de l’Assemblée a-t-elle fait l’acquisition de la toute première édition de cet ouvrage? Pour le moment, il s’agit d’un mystère. [retour]
- Ibid., p. 1. [retour]
- J.A.S. Collin de Plancy. Dictionnaire infernal […], vol. 2, Paris, P. Mongié, 1818, p. 398. [retour]
- Ibid., p. 281. [retour]
- Ibid., p. 379. [retour]
- Op. cit., vol. 1, p. 14. [retour]
- Ibid., p. 104. [retour]
- Ibid., p. 273-274. [retour]
- Op. cit., vol. 2, p. 219. [retour]
- Sur Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France et de ses partenaires, on peut explorer en version texte (OCR) l’édition du Dictionnaire infernal publiée chez H. Plon en 1863. [retour]
- Op. cit., vol. 1, p. 274. [retour]