Matière à réflexion : La gestion des matières résiduelles au Québec

Attentif aux sujets qui pourraient interpeller les parlementaires dans leur travail, le Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale propose des notes de recherche et d’information sur des thèmes d’actualité et des enjeux émergents. C’est le cas de la série Matière à réflexion, qui rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur certaines questions d’intérêt public.

Dans le rapport qu’il présentait en 2007, Harvey Mead, premier commissaire au développement durable, décédé le 14 janvier dernier, évaluait pour la première fois l’empreinte écologique du Québec. Si toute l’humanité partageait les habitudes de consommation de la population québécoise, estimait-il, il faudrait trois planètes Terre pour soutenir un tel mode de vie. Bien que plus de quinze années se soient écoulées depuis ce constat, il demeure d’actualité, d’après le Rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec (2021).

En outre, selon le Bilan 2021 de la gestion des matières résiduelles de RECYC-QUÉBEC, la quantité de matières résiduelles éliminées sur le territoire québécois correspondait annuellement à 716 kg par habitant. Le Québec est encore loin de l’objectif de 525 kg ou moins par habitant d’ici la fin de l’année 2023, fixé dans le cadre du plan d’action 2019-2024 de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles.

Cette fiche Matière à réflexion aborde les concepts de recyclage et de récupération, de modes d’élimination et d’économie circulaire, en plus de donner quelques chiffres sur la composition des déchets éliminés, le coût de la gestion des matières résiduelles et l’offre de collecte de matière organique. Enfin, il est question de récents plans d’action québécois et d’initiatives à l’extérieur du Québec. La fiche d’information est également accessible sur le site Web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, tout comme d’autres notes produites par le Service de la recherche.

Catherine Lanouette
Service de la recherche

En quelques mots

  • Au Québec, la gestion des matières résiduelles est fondée sur la hiérarchie des 3RV-E. Comme l’indique l’article 53.4.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement, la priorité va à la réduction à la source (le premier des « 3R »). La Loi établit ensuite, dans le traitement des matières, l’ordre de priorité suivant : le réemploi et le recyclage, suivis de la valorisation (« V ») et, en dernier recours, de l’élimination (« E »).
  • On distingue le recyclage (matières transformées pour être réintroduites dans l’économie) de la récupération (matières collectées, sans être nécessairement valorisées). Les matières acceptées dans le bac de recyclage diffèrent d’un organisme municipal à l’autre. Par exemple, seules certaines municipalités acceptent le polystyrène (plastique numéro 6), la styromousse et les sacs de plastique. Cela dépend des installations des centres de tri et des acheteurs présents ou non sur le marché.
  • Adoptée en 2011, la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles a comme objectif fondamental que la seule matière résiduelle éliminée au Québec soit le résidu ultime. Le Plan d’action 2011-2015 a défini cette matière comme celle qui, résultant du tri, du conditionnement et de la mise en valeur, « n’est plus susceptible d’être traitée dans les conditions techniques et économiques disponibles pour en extraire la part valorisable ou en réduire le caractère polluant ou dangereux ».
  • Selon une étude de caractérisation de RECYC-QUÉBEC, en 2019-2020, les déchets éliminés au Québec étaient constitués principalement de 30 % de matières organiques, de 28 % de résidus de construction, de rénovation et de démolition (CRD) et de 25,5 % de papier, de carton, de plastique, de verre et de métal.
  • Au Québec, l’enfouissement est le mode d’élimination le plus utilisé. Dans son rapport L’état des lieux et la gestion des résidus ultimes (2022), le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) souligne que, en 2019, 96 % des matières résiduelles éliminées étaient destinées à l’enfouissement, alors que 4 % étaient incinérées. La majorité des matières enfouies le sont dans les 38 lieux d’enfouissement techniques du Québec. Selon le BAPE, 22 de ces espaces atteindront leur capacité maximale d’ici 2041. Au rythme actuel, de nouveaux lieux d’enfouissement ou des agrandissements des sites actuels devront être autorisés au cours des vingt prochaines années.
  • Le modèle de collecte du recyclage au Québec est de type « pêle-mêle », c’est-à-dire que les citoyennes et citoyens n’ont pas à trier le verre, le plastique, le papier et le métal lorsqu’ils déposent ces matières dans le bac de recyclage. Ce système a pour avantage d’être simple et est associé à de grands volumes de récupération. Toutefois, des contaminations entre produits sont possibles. Selon une étude sur différents types de collectes en Ontario, un système pêle-mêle entraînerait une qualité moindre des matières destinées à la revente.
  • Le concept d’économie circulaire est intimement lié à la gestion des matières résiduelles. Il s’agit de l’alternative au modèle linéaire basé sur l’extraction, la production, la consommation et l’élimination. Le Pôle québécois de concertation sur l’économie circulaire définit le concept comme un « système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités ». Selon une étude de RECYC-QUÉBEC et de Circle Economy, l’indice de circularité du Québec était de 3,5 % en 2020. Cela signifie que « sur 271,1 millions de tonnes consommées, 96,5 % ne sont pas remises dans l’économie ». Une note sur le sujet est accessible sur Première lecture.

En quelques chiffres

1 milliard $
Coût total brut de la gestion des matières résiduelles en 2019 par les organismes municipaux au Québec, selon le rapport du BAPE.
52 %
Des répondants à une étude de RECYC-QUÉBEC de 2021 disent douter que les matières mises au bac bleu soient systématiquement recyclées.
716 kg / habitant
Quantité de matières résiduelles éliminées au Québec en 2021 selon le Bilan 2021 de la gestion des matières résiduelles au Québec de RECYC-QUÉBEC.  C’est une augmentation de 3 % par rapport à 2018.

660
Nombre de municipalités offrant la collecte des matières organiques en 2021, selon le Bilan de RECYC-QUÉBEC. Cela représente 60 % des municipalités du Québec. Ce nombre était d’environ 500 en 2018.

Récents travaux sur le sujet

  • En 2019, la Commission des transports et de l’environnement a réalisé un mandat d’initiative sur les enjeux de recyclage et de valorisation locale du verre. Dans son rapport, la Commission recommande notamment d’interdire l’enfouissement du verre dans les lieux d’enfouissement techniques, d’élargir le système de consigne et de renforcer la responsabilité élargie des producteurs.
  • Le Plan d’action 2019-2024, deuxième plan d’action de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles, s’articule autour de cinq thèmes : la modernisation des systèmes de gestion des matières recyclables; la réduction des plastiques et des produits à usage unique; la valorisation des matières organiques; le développement des différentes filières de récupération et autres actions structurantes ainsi que l’aide aux communautés.
    • Une des actions rattachées à la réduction des plastiques et des produits à usage unique consiste à élaborer une stratégie gouvernementale visant à en réduire l’utilisation. Selon le rapport du BAPE, « cette stratégie, dont la mise en œuvre devrait se déployer de 2022 à 2027, est en voie d’élaboration par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et RECYC-QUÉBEC ».
    • Le plan d’action fixe quatre objectifs pour 2023 : réduire à 525 kg ou moins la quantité de matières éliminées par personne; recycler 75 % du papier, du carton, du verre, du plastique et du métal; recycler 60 % des matières organiques ainsi que recycler et valoriser 70 % des résidus de CRD. Cependant, le BAPE juge, dans son rapport, que l’atteinte de l’objectif de 525 kg/habitant est improbable et « le Ministère estime que cet objectif ne serait toujours pas atteint en 2041 selon un de ses scénarios qu’il qualifie de réaliste ».
  • Dans le cadre de la Stratégie de valorisation de la matière organique (2020), Québec vise cinq cibles : instaurer la gestion de la matière organique sur 100 % du territoire municipal d’ici 2025; gérer la matière organique dans 100 % des industries, commerces et institutions d’ici 2025; recycler ou valoriser 70 % de la matière organique visée en 2030; et réduire de 270 000 de tonnes équivalent  CO2 les émissions de GES en 2030. De plus, la stratégie hausse le taux de redevance à l’élimination à 30 $/tonne avec une indexation de 2 $/tonne.

Ailleurs au Canada et dans le monde

  • En juin 2022, le gouvernement du Canada a publié le Règlement interdisant les plastiques à usage unique qui proscrit la fabrication et l’importation de six catégories d’article en plastique à usage unique : anneaux en plastique pour emballage de boissons, bâtonnets, pailles, récipients alimentaires, sacs et ustensiles.
  • La ville d’Halifax et l’Île-du-Prince-Édouard utilisent deux bacs de recyclage. L’un est destiné aux articles en papier et en carton et l’autre reçoit le métal, le plastique et le verre. En Colombie-Britannique, le verre est séparé du métal et du plastique, un troisième bac lui est assigné.
  • Dans son rapport à l’Assemblée nationale du Québec pour l’année 2020-2021, le commissaire au développement durable note que le Danemark, la Suède et la Suisse ont interdit l’enfouissement des déchets combustibles, dont les matières organiques. Au Royaume-Uni, la taxe à l’enfouissement est d’environ 170 $/tonne.

Pour aller plus loin