Les changements climatiques constituent l’un des principaux défis du XXIe siècle. Les connaissances scientifiques sur le climat terrestre, sur l’effet de l’action humaine dans son évolution et, à l’inverse, sur les conséquences des perturbations climatiques sur nos sociétés s’affinent constamment. Devant la masse imposante d’information disponible et le flot incessant de nouvelles publications, responsables politiques, citoyennes et citoyens s’y perdent facilement. La Bibliothèque de l’Assemblée nationale vous propose une série de notes synthétiques expliquant les principaux aspects de cet enjeu de fond planétaire.
Dans le premier chapitre de cette série, nous tâcherons d’abord de définir la notion de climat et de cerner les principaux facteurs, naturels et anthropiques[1], qui l’influencent. Nous esquisserons ensuite un portrait des gaz à effet de serre (GES) présents dans l’atmosphère et dresserons un bilan mondial de leurs émissions. Dans un troisième temps, nous ferons un tour d’horizon des principaux changements du climat observés à ce jour dans le monde. Puis, nous démystifierons la modélisation climatique afin de présenter brièvement les scénarios d’émissions de GES et les projections climatiques utilisées pour prévoir le climat futur. Pour terminer, nous explorerons les répercussions actuelles et anticipées des changements climatiques sur les aspects physique et biologique de notre environnement.
Le présent article constitue la seconde de ces cinq parties.
Cette fiche d’information est également accessible en version complète sur le site web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, comme d’autres notes produites par le Service de la recherche.
Analyse et rédaction
Mathieu LeBlanc
Xavier Mercier Méthé
Service de la recherche
Recherche documentaire
Simon Mayer
Service de l‘information
Traitement graphique et des illustrations
Marie-Claude Chabot-Fradette
Direction des communications
1.2 BILAN ET CARACTÉRISTIQUES DES PRINCIPAUX GAZ À EFFET DE SERRE
LES GAZ À EFFET DE SERRE
Comme mentionné précédemment, la majorité des gaz à effet de serre sont d’abord émis de façon naturelle par différentes sources présentes sur la Terre. En contrepartie, des puits d’élimination[2] naturels retirent ces gaz de l’atmosphère ou neutralisent leur potentiel de réchauffement. Cependant, depuis le début de l’ère industrielle, au XIXe siècle, certaines activités humaines émettent aussi des gaz à effet de serre. Une augmentation des concentrations de GES dans l’atmosphère est ainsi observée puisque le taux d’émission par les sources, naturelles et anthropiques réunies, dépasse le taux d’élimination par les puits.
Les principaux gaz à effet de serre retrouvés dans l’atmosphère sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (ou le protoxyde d’azote; N2O), les gaz fluorés et la vapeur d’eau (H2O). Chaque GES possède ses propres sources d’émissions et ses propres puits d’élimination. En fonction de ces derniers, les concentrations atmosphériques de chaque GES ont donc varié au cours des derniers siècles. De plus, chaque GES a un potentiel de réchauffement planétaire différent. Celui-ci est fondé à la fois sur la durée de vie du gaz, c’est-à-dire sur le temps nécessaire pour que le gaz soit éliminé de l’atmosphère, ainsi que sur son efficacité relative à absorber le rayonnement infrarouge (la chaleur), qui dépend des propriétés moléculaires du gaz. En d’autres termes, plus un GES a une longue durée de vie dans l’atmosphère et plus son efficacité à absorber le rayonnement infrarouge est grande, plus son potentiel de réchauffement planétaire est élevé. Le potentiel de réchauffement planétaire se mesure généralement en valeur relative à celui du CO2. Il équivaut donc à 1 pour le CO2, gaz de référence. En fonction de ses concentrations et de son potentiel de réchauffement planétaire, chaque GES a ainsi son propre effet sur le climat.
LE DIOXYDE DE CARBONE (CO2)
Le dioxyde de carbone est le gaz à effet de serre le plus connu. Sa concentration dans l’atmosphère connaît une forte augmentation depuis le XIXe siècle. En effet, alors qu’elle représentait environ 280 ppm[3] à l’époque préindustrielle, la concentration atmosphérique de CO2 s’élève à plus de 413 ppm en juillet 2021[4] (hausse d’un facteur 1,5). Il s’agit d’une valeur qui n’a jamais été atteinte durant les 800 000 dernières années[5]. Cette hausse est aussi très rapide. Seulement depuis 1960, la concentration de CO2 a augmenté de près de 100 ppm. À titre comparatif, au cours des 8 000 ans précédant l’industrialisation au 19e siècle, une variation d’environ seulement 20 ppm a été enregistrée.
Tableau 1. Sources d’émissions naturelles et anthropiques et puits d’élimination du CO2.
Sources d’émissions naturelles |
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Sources d’émissions anthropiques |
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Puits d’élimination |
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Source : National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory, 2021

Source : National Oceanic and Atmospheric Administration – National Centers for Environmental Information, 2020.
LE MÉTHANE (CH4)
En date de juin 2021, la concentration atmosphérique de méthane est de plus de
1 888,8 ppb[6] ou de 1,89 ppm[7]. Cette valeur est plus de 2,5 fois plus élevée que la concentration atmosphérique de méthane de l’époque préindustrielle[8], qui était autour de 700 ppb. En proportion relative, les concentrations de méthane augmentent donc encore plus rapidement que celles du dioxyde de carbone. Bien qu’il demeure néanmoins beaucoup moins abondant dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone, le méthane a un potentiel de réchauffement planétaire 20 à 25 fois plus élevé que ce dernier. Il a donc une influence non négligeable sur l’effet de serre et sur le réchauffement du climat.
Tableau 2. Sources d’émissions naturelles et anthropiques et puits d’élimination du CH4.
Sources d’émissions naturelles |
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Sources d’émissions anthropiques |
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Puits d’élimination |
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1 Sans oxygène.
2 Les rizières, avec leurs grandes surfaces d’eau stagnante, sont des milieux propices à la production de méthane.
3 Molécule hautement réactive et, par conséquent, de courte durée de vie qui est créée par une réaction chimique entre la vapeur d’eau et l’oxygène sous l’effet du rayonnement solaire.

Source : National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory, 2021.
L’OXYDE NITREUX (N2O)
Tout comme le dioxyde de carbone et le méthane, les concentrations atmosphériques d’oxyde nitreux ont connu une forte hausse depuis la révolution industrielle. En effet, ces dernières ont augmenté d’environ 275 ppb au XIXe siècle à plus de 334 ppb en juin 2021[9] (hausse de plus de 20 %). Bien qu’il demeure lui aussi bien moins abondant dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone, l’oxyde nitreux a un potentiel de réchauffement planétaire près de 300 fois plus élevé. Son influence sur l’effet de serre et sur le réchauffement du climat est donc considérable.
Tableau 3. Sources d’émissions naturelles et anthropiques et puits d’élimination du N2O.
Sources d’émissions naturelles |
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Sources d’émissions anthropiques |
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Puits d’élimination |
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1 Stimule les processus chimiques de nitrification et de dénitrification par les bactéries.

Source : National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory, 2021.
LES GAZ FLUORÉS
Les gaz fluorés comportent les hydrofluorocarbures (HFCs), les perfluorocarbures (PFCs), l’hexafluorure de soufre (SF6) et le trifluorure d’azote (NF3). Contrairement à la plupart des autres gaz à effet de serre, les gaz fluorés n’ont aucune source naturelle et ne sont produits que par l’humain. Ils ne s’accumulent donc dans l’atmosphère que depuis tout récemment sur l’échelle des temps géologiques. Bien que leurs concentrations soient minimes comparativement aux autres GES (par exemple, la concentration de SF6 en 2021 est d’environ
10,6 ppt[10]), leur potentiel de réchauffement planétaire est pour la plupart extrêmement élevé, jusqu’à plusieurs milliers de fois celui du dioxyde de carbone. Qui plus est, plusieurs de ces gaz persistent très longtemps dans l’atmosphère.
Tableau 4. Sources d’émissions naturelles et anthropiques et puits d’élimination des gaz fluorés.
Sources d’émissions naturelles |
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Sources d’émissions anthropiques |
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Puits d’élimination |
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LA VAPEUR D’EAU (H2O)
La vapeur d’eau est un GES différent des autres, car elle ne s’accumule pratiquement pas dans l’atmosphère. Son cycle de vie est très dynamique. En effet, via le cycle de l’eau, la vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère se renouvelle environ aux dix jours. La vapeur d’eau est naturellement le GES le plus abondant dans l’atmosphère et contribue grosso modo aux 2/3 de l’effet de serre naturel. Sa contribution à l’effet de serre est importante, mais non altérée de manière significative par les activités humaines. Les émissions anthropiques directes de vapeur d’eau dans l’atmosphère sont peu élevées. Cependant, une hausse des températures causée par les changements climatiques, ceux-ci découlant des actions de l’humain, pourrait entraîner une augmentation de la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère en raison d’une évaporation accrue. Une telle hausse pourrait provoquer des réactions-clés sur le climat, notamment intensifier le cycle de l’eau et modifier la quantité comme la répartition des précipitations.
RÉPARTITION DES ÉMISSIONS ANTHROPIQUES DE GAZ À EFFET DE SERRE
Tout comme leurs concentrations atmosphériques diffèrent, les proportions des différents gaz à effet de serre émis par les activités humaines varient. En effet, selon le rapport d’évaluation[11] du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de 2014, la grande majorité des émissions anthropiques de GES sont composées de dioxyde de carbone (76 % des émissions totales). Suivent celles de méthane (16 % des émissions totales), d’oxyde nitreux (6 %) et de gaz fluorés (2 %).

Source : United States Environmental Protection Agency, 2021.
Qui plus est, les différents secteurs économiques ne sont pas responsables des émissions anthropiques de GES dans les mêmes proportions. Le secteur de la production d’électricité et de chaleur ainsi que celui de l’agriculture, de la foresterie et des autres formes d’utilisation des terres sont responsables chacun du quart des émissions planétaires de GES. On trouve ensuite les secteurs de la production industrielle (21 % des émissions totales) et du transport (14 %). Enfin, le secteur des bâtiments et la catégorie « énergie (autre) »[12] représentent 6 % et 10 % respectivement des émissions totales.
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RÉFÉRENCES
- IPCC (GIEC), 2014: Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Edenhofer, O., R. Pichs-Madruga, Y. Sokona, E. Farahani, S. Kadner, K. Seyboth, A. Adler, I. Baum, S. Brunner, P. Eickemeier, B. Kriemann, J. Savolainen, S. Schlömer, C. von Stechow, T. Zwickel and J.C. Minx (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.
- Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatique, Gaz à effet de serre (GES). [Consulté le 26 octobre 2021]
- National Geographic, The Keeling Curve, 2019. [Consulté le 26 octobre 2021]
- National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory – Carbon Cycle Greenhouse Gases. [Consulté le 26 octobre 2021]
- United States Environmental Protection Agency, Greenhouse Gas Emissions – Global Greenhouse Gas Emissions Data. [Consulté le 26 octobre 2021] World Meteorological Organization, WMO Greenhouse Gas Bulletin – No. 15: The State of Greenhouse Gases in the Atmosphere Based on Global Observations through 2018, 2019. [Consulté le 26 octobre 2021]
- Causés par l’activité humaine. [retour]
- On fait référence à un puits d’élimination lorsqu’un GES contenu dans l’atmosphère est retiré puis stocké dans une autre composante de l’écosystème (souvent sous une autre forme moléculaire). Un GES peut aussi demeurer dans l’atmosphère, mais réagir chimiquement et changer de forme moléculaire, perdant essentiellement son pouvoir de réchauffement. [retour]
- Parties par million. [retour]
- National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory, Trends in Atmospheric Carbon Dioxide: Global Monthly Mean CO2. [retour]
- National Oceanic and Atmospheric Administration – National Centers for Environmental Information, Climate Change: Atmospheric Carbon Dioxide. [retour]
- Parties par milliard. [retour]
- National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory, Trends in Atmospheric Methane: Global CH4 Monthly Means. [retour]
- Quirin Schiermeier, “Global methane levels soar to record high”, Nature news, 14 juillet 2020. [retour]
- National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory, Trends in Atmospheric Nitrous Oxide: Global NO2 Monthly Means. [retour]
- Parties par trillion. National Oceanic and Atmospheric Administration – Global Monitoring Laboratory, Trends in Atmospheric Sulfur Hexafluoride: Global SF6 Monthly Means. [retour]
- IPCC (GIEC), 2014: Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Edenhofer, O., R. Pichs-Madruga, Y. Sokona, E. Farahani, S. Kadner, K. Seyboth, A. Adler, I. Baum, S. Brunner, P. Eickemeier, B. Kriemann, J. Savolainen, S. Schlömer, C. von Stechow, T. Zwickel and J.C. Minx (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA. [retour]
- Contient les émissions du secteur énergétique qui ne sont pas directement associées à la production d’électricité ou de chauffage, comme l’extraction, le raffinage et le transport de combustibles. [retour]