Les personnes désignées par l’Assemblée nationale du Québec

L’Assemblée nationale du Québec nomme des titulaires de fonctions qualifiés de « personnes désignées », c’est-à-dire qu’elles relèvent de l’Assemblée et sont directement responsables devant elle. Avec la nomination du premier commissaire à la langue française, six personnes sont investies de ce titre. Les cinq autres personnes désignées sont :

Cette note aborde la notion de personne désignée, décrit les règles relatives à une telle fonction et brosse un bref portrait des six institutions dotées de ce statut.

Pierre Skilling
Service de la recherche

LA NOMINATION DES PERSONNES DÉSIGNÉES, LEUR RESPONSABILITÉ DEVANT L’ASSEMBLÉE ET LEUR AUTONOMIE

Une personne désignée est nommée par l’Assemblée nationale du Québec pour exercer une charge publique selon certaines modalités lui conférant ce statut (mode de nomination, procédure de destitution, financement, rémunération, etc.). Un tel statut contribue à préserver son indépendance et son impartialité dans l’exercice de ses fonctions. Les personnes désignées par l’Assemblée nationale lui rendent compte directement de leurs activités et, en aucune façon, par l’intermédiaire d’un ministre.

Les personnes désignées sont nommées sur proposition du premier ministre, approuvée par les deux tiers des membres de l’Assemblée. Dans le cas du Commissaire à l’éthique et à la déontologie, toutefois, la proposition doit être présentée conjointement avec le chef de l’opposition officielle après consultation des chefs des autres partis représentés à l’Assemblée.

Avant la nomination d’une personne désignée, la Commission de l’Assemblée nationale peut, sur décision de son comité directeur, entendre les candidats proposés afin de permettre aux députés de les questionner sur leurs compétences, leur motivation et leur vision[1].

Le mandat respectif des six personnes désignées est d’une durée déterminée de cinq à dix ans, selon la fonction. Il est renouvelable, à l’exception de ceux du vérificateur général et du commissaire à la langue française.

Selon le Règlement de l’Assemblée nationale, trois des personnes désignées doivent être entendues annuellement par une commission parlementaire[2]. Ainsi, la Commission de l’administration publique doit entendre le Vérificateur général sur son rapport annuel de gestion[3], alors que la Commission des institutions entend le Directeur général des élections et le Protecteur du citoyen[4]. En outre, selon leur loi constitutive, le Commissaire à la langue française, le Commissaire à l’éthique et à la déontologie, le Directeur général des élections, le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général sont assujettis à la Loi sur l’administration publique[5]. Quant au Commissaire au lobbyisme, l’étude de son rapport en commission parlementaire est prévue par l’article 45 de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme.

Le budget de chaque personne désignée est financé par des crédits spécifiques prévus aux plans annuels de gestion des dépenses de l’Assemblée nationale et des personnes désignées par l’Assemblée[6].

En règle générale, l’Assemblée détermine la rémunération et le traitement des personnes désignées, dont celui du protecteur du citoyen[7]. Toutefois, deux vice-protecteurs du citoyen, dont l’un exerce principalement les fonctions dévolues au Protecteur et prévues à la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux, sont nommés par le gouvernement, sur recommandation du protecteur. Le gouvernement fixe leur traitement[8]. Pour ce qui est du Vérificateur général, sa loi constitutive prévoit que la personne désignée à ce poste « reçoit un traitement égal au maximum du niveau supérieur de salaire des sous-ministres autres que le secrétaire général du Conseil exécutif, et à la moyenne de toute autre rémunération des sous-ministres[9] ».

Sur le plan de la gestion contractuelle, l’Assemblée nationale et les personnes désignées ne sont assujetties à la Loi sur les contrats des organismes publics « que dans la mesure prévue par une loi » (art. 5). Aussi, les lois constitutives des toutes les personnes désignées par l’Assemblée précisent qu’elles peuvent déterminer par règlement les conditions des contrats qu’elles sont susceptibles de conclure, à l’exception du Commissaire au lobbyisme, dont la loi ne prévoit aucune disposition à ce sujet. Le commissaire au lobbyisme a néanmoins adopté un Cadre de référence en gestion contractuelle, qui détermine les conditions applicables en matière de contrats publics pour cette entité.

AILLEURS AU CANADA

De telles fonctions existent au Parlement du Canada, dans les autres provinces canadiennes, à travers le Commonwealth et dans certains pays ayant gardé des traditions parlementaires britanniques. Leur nombre est variable selon les pays et les autorités compétentes.

À Ottawa, les expressions Officers of Parliament (« hauts fonctionnaires du Parlement ») et parfois Agents of Parliament (« agents du Parlement » ou « mandataires du Parlement ») correspondent sensiblement à ce qu’on appelle au Québec les personnes désignées par l’Assemblée[10].

Pourquoi les appelle-t-on « agents » ou « mandataires » du Parlement ? Selon la juriste Ann Chaplin,

Because what they do is what Parliament, under the Constitution, is responsible for doing – holding the executive to account. The term also refers to the fact that Parliament has a role in appointing and dismissing them and that they report directly to Parliament (not through a minister)[11].

Ces fonctionnaires parlementaires fédéraux rendent ainsi des comptes directement au Parlement plutôt qu’au gouvernement canadien ou à un de ses ministres, ce qui les rend indépendants du gouvernement[12]. À Ottawa, neuf hauts fonctionnaires correspondent à ce profil : le vérificateur général du Canada; le directeur général des élections du Canada; le commissaire aux langues officielles; le commissaire à l’information du Canada; le commissaire à la protection de la vie privée du Canada; le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique; le commissaire au lobbying du Canada; le commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada; et le directeur parlementaire du budget[13].

LES AUTRES PERSONNES NOMMÉES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Au Québec, outre les six personnes désignées, la nomination d’autres dirigeantes et dirigeants ou membres d’organismes publics requiert l’approbation des deux tiers des membres de l’Assemblée[14]. Il s’agit :

En quoi diffèrent ces neuf personnes nommées par l’Assemblée des personnes désignées? Cette différence « ne va pas de soi », peut-on lire dans le cahier de propositions du gouvernement du Québec dans le cadre de son projet de réforme parlementaire[15].

Quatre des organismes de la liste dressée ci-haut déposent leur rapport annuel à l’Assemblée nationale : la Commission de la fonction publique, la Commission de la représentation électorale (dont le rapport est intégré à celui du Directeur général des élections), la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Comité de surveillance des activités de l’Unité permanente anticorruption. Les cinq autres transmettent leur rapport annuel à leur ministre responsable.

Toutes ces entités, sauf une, sont financées par le gouvernement du Québec. L’exception est la Commission de la représentation électorale, dont le budget et les crédits font partie du programme « Administration du système électoral » des plans annuels de gestion des dépenses de l’Assemblée nationale et des personnes désignées par l’Assemblée, mais dont les allocations des commissaires sont déterminées par le gouvernement.

Passons maintenant en revue les personnes désignées par l’Assemblée nationale du Québec, en commençant par le plus ancien dans notre histoire parlementaire, le Vérificateur général, une fonction dont on peut retracer les origines aussi loin qu’au début du XIVe siècle au Royaume-Uni[16].

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

Par ses audits et autres travaux, le Vérificateur général du Québec contribue au contrôle parlementaire sur les fonds et autres biens publics que l’Assemblée nationale confie au gouvernement, à ses organismes et à ses entreprises. Dans le rapport qu’il soumet à l’Assemblée, il informe les parlementaires et la population sur la façon dont le gouvernement, ses organismes et ses entreprises gèrent les fonds publics. Ce rapport est déposé à l’Assemblée à différents moments de l’année, habituellement au printemps et à l’automne. Le mandat du vérificateur est d’une durée de dix ans et ne peut être renouvelé.

Pour accomplir sa mission, le Vérificateur général réalise principalement deux types de travaux : les audits financiers et les audits de performance. L’audit financier a pour but de fournir l’assurance raisonnable que les états financiers et autres informations financières sont exempts d’anomalies significatives. L’audit de performance vise à faire la lumière sur les moyens que les gestionnaires mettent en place pour administrer, de façon économique, efficiente et efficace, les ressources qui leur sont confiées[17].

Après la Confédération, en 1867, le premier gouvernement de la nouvelle province de Québec met rapidement en place une fonction publique. Gaspard Drolet, haut fonctionnaire du Département du Trésor, est nommé auditeur général. Il devient ainsi le premier à remplir la fonction dans la province de Québec. Il occupe ce poste pendant 23 ans (1867-1890), ce qui représente le plus long mandat de l’histoire à ce titre.

La fonction d’auditeur général a longtemps relevé du Conseil exécutif. À partir de 1970, le Bureau de l’auditeur relève de l’Assemblée nationale. L’institution prend le nom de Vérificateur général du Québec. La Loi sur le vérificateur général entre en vigueur en 1985. Elle a pour objet de favoriser, par la vérification, le contrôle parlementaire sur les fonds et autres biens publics.

La Loi sur le vérificateur général a été modifiée en 2006 afin de prévoir la nomination d’un commissaire au développement durable. Il s’agit d’un vérificateur général adjoint nommé par le vérificateur général, avec l’approbation du Bureau de l’Assemblée nationale. Il assiste le vérificateur général dans l’exercice de ses fonctions relatives à la vérification en matière de développement durable.

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS

Le Directeur général des élections est l’institution neutre et indépendante responsable de l’application des lois électorales et de l’administration des scrutins québécois : élections générales et élections partielles provinciales, élections municipales et scolaires ainsi que référendums. Il est chargé de la liste électorale permanente de même que du contrôle du financement des partis politiques et des dépenses électorales. En outre, le Directeur général des élections a le devoir d’informer les électrices et les électeurs de leurs droits électoraux. Il dispose d’un pouvoir d’enquête et de poursuite. Il est aussi président d’office de la Commission de la représentation électorale, l’entité chargée de la délimitation des circonscriptions électorales du Québec. Le mandat du directeur général des élections est d’une durée de sept ans avec possibilité de renouvellement.

En vertu de la Loi électorale, le Directeur général des élections et la Commission de la représentation électorale remettent chaque année à l’Assemblée nationale un rapport annuel pour l’exercice financier précédent. Outre les résultats obtenus au regard des objectifs de leur plan stratégique, notamment, ce rapport comprend aussi des recommandations pour améliorer la législation électorale.

C’est en 1945, à l’occasion d’une refonte importante de la Loi électorale, qu’est créé le poste de « président général des élections ». Bien qu’il soit nommé par le gouvernement et que son budget soit associé à celui du Conseil exécutif, sa nomination à vie par le lieutenant-gouverneur et son statut, qui s’assimile à celui d’un juge en matière de révocation, lui procure une certaine indépendance et marque à ce titre un progrès important dans l’évolution de cette fonction[18]. Le titulaire de ce poste devient ainsi la première personne à s’occuper exclusivement de l’application de la législation et de l’administration électorale de façon permanente. Le juge François Drouin est le premier à occuper ce poste, pendant 33 ans, soit de 1945 à 1978.

En 1963, à l’occasion d’une autre refonte importante de la Loi électorale, le mode de nomination du président général des élections se fera désormais par une résolution de l’Assemblée législative, toujours pour un mandat à vie. Le président devient donc indépendant du pouvoir politique. En 1977, le titre de président général des élections est changé pour celui de directeur général des élections. La nomination de ce dernier se fait dorénavant sur proposition du premier ministre, appuyée par les deux tiers des membres de l’Assemblée. À compter de 1989, la durée du mandat est limitée à sept ans et est renouvelable. Enfin, en 2018, le Directeur général des élections adopte la nouvelle signature visuelle, Élections Québec, afin de distinguer l’institution qu’il incarne de son administrateur, le directeur général des élections[19].

LE PROTECTEUR DU CITOYEN

En tant qu’ombudsman du Québec, le Protecteur du citoyen s’emploie à faire corriger des erreurs ou des injustices commises par un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec à l’endroit d’une personne ou d’un groupe de personnes. Aussi, il intervient pour la prévention de tels incidents. Il veille en outre au respect des droits des citoyennes et des citoyens par les établissements et les autres instances du réseau de la santé et des services sociaux, ainsi que par les établissements de détention du Québec. Dans le cadre que fixent la Loi sur le Protecteur du citoyen et la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux, le Protecteur du citoyen intervient auprès des ministères et des organismes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique. De surcroît, depuis l’entrée en vigueur en 2017 de la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics, le Protecteur du citoyen est chargé de traiter les divulgations d’actes répréhensibles à l’égard d’organismes publics qui lui sont adressées par toute personne, incluant les membres du personnel. Depuis 2018, il traite également certaines divulgations à l’égard des municipalités et des organismes municipaux[20]. Le mandat du Protecteur du citoyen est d’une durée de cinq ans avec possibilité de renouvellement.

Le Protecteur du citoyen détermine, pour chaque plainte qu’il reçoit, s’il peut enquêter ou non. S’il constate au terme d’une enquête qu’il y a eu erreur ou injustice, il adresse des recommandations aux autorités responsables. Il peut aussi décider, de sa propre initiative, de mener des enquêtes sur des enjeux majeurs. De plus, il analyse des projets de loi avant qu’ils soient votés à l’Assemblée nationale. Il transmet au président de l’Assemblée nationale, à l’intention de l’Assemblée, un rapport de ses activités pour l’année civile précédente et, enfin, il présente aux membres de la Commission des institutions son rapport annuel de gestion ainsi que différents rapports spéciaux avant leur dépôt à l’Assemblée nationale.

La mise sur pied de cette institution au Québec est annoncée dans le discours du trône de la 28e législature, prononcé le 1er décembre 1966. Le premier ministre Daniel Johnson avise ainsi les parlementaires des intentions du gouvernement:

Vous aurez encore à étudier un certain nombre de mesures visant à améliorer l’administration de la justice et à assurer un plus grand respect des libertés civiles et des droits de la personne humaine. Vous serez invités à contribuer à l’élaboration d’une charte des droits de l’homme et d’une loi instituant un protecteur du peuple (ombudsman)[21]

Le 14 novembre 1968, les membres de ce qui s’appelait pour quelques semaines encore l’Assemblée législative de la province de Québec adoptent la Loi sur le Protecteur du citoyen[22]. Le 27 mars 1969, désigné à l’unanimité, Louis Marceau devient le premier protecteur du citoyen, fonction qu’il occupera jusqu’en 1976.

LE COMMISSAIRE AU LOBBYISME

Le Commissaire au lobbyisme assure la surveillance et le contrôle des activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques, dont les ministres, les députées et les députés ainsi que leur personnel. Il effectue les enquêtes et les inspections relatives à toute contravention aux dispositions de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme ou du Code de déontologie des lobbyistes qu’il a élaboré. Le Commissaire dépose annuellement à l’Assemblée nationale un rapport de ses activités pour l’année précédente. Son mandat est d’une durée de cinq ans avec possibilité de renouvellement.

À noter que la responsabilité de la tenue du registre des lobbyistes (remplacé en 2022 par la plateforme Carrefour Lobby Québec) a été transférée au Commissaire en 2019[23]. Jusque-là, l’administration du registre était sous la responsabilité d’un conservateur relevant du ministre de la Justice du Québec[24].

L’adoption, en 2002, de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme s’inscrit dans un contexte politique et parlementaire houleux, après la révélation de certaines pratiques de rémunération des lobbyistes qui secouèrent l’opinion publique[25]. Néanmoins, la question de l’encadrement des activités de lobbyisme était déjà engagée. Notamment, en mars 1996, le discours d’ouverture de la session mentionne l’intention du gouvernement d’encadrer la pratique du lobbying[26]. Ensuite, en 1998, à la faveur d’un mandat d’initiative sur l’examen de l’activité de lobbying, la Commission des finances publiques de l’Assemblée nationale concluait que la recherche de la transparence justifiait une action en ce domaine. De surcroît, des lois sur le lobbyisme étaient déjà en vigueur au fédéral et ailleurs au Canada[27]

Le premier titulaire du poste de commissaire au lobbyisme, André C. Côté, a exercé cette fonction de 2002 à 2009. Notamment, c’est lui qui a mené les travaux nécessaires à l’élaboration du Code de déontologie des lobbyistes, lequel a été adopté en 2004. Le 17 février 2022, l’institution a adopté une nouvelle signature, Lobbyisme Québec, dans le but de marquer le renforcement de la mission du commissaire par la responsabilité qui lui a été dévolue de moderniser et d’administrer le registre des lobbyistes, et afin de distinguer l’institution et la fonction de son dirigeant, le commissaire au lobbyisme[28].

LE COMMISSAIRE À L’ÉTHIQUE ET À LA DÉONTOLOGIE

Le Commissaire à l’éthique et à la déontologie est responsable de l’application du Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale ainsi que de recevoir et de traiter les plaintes concernant un manquement aux règles qui y sont prévues. Le Code a été adopté en 2010 et est entré en vigueur dans son entièreté le 1er janvier 2012. Il énonce les principales valeurs de l’Assemblée nationale auxquelles ses membres doivent adhérer, les règles déontologiques applicables aux députées et députés et aux membres du Conseil exécutif (les ministres) et les mécanismes d’application et de contrôle de ces règles. Le Commissaire à l’éthique et à la déontologie est également responsable de l’application des règles visant le personnel politique[29], entrées en vigueur en 2013. Le mandat du commissaire est d’une durée de cinq ans avec possibilité de renouvellement.

De sa propre initiative ou à la demande d’un parlementaire, le commissaire fait des vérifications ou des enquêtes pour déterminer si des manquements au Code ont été commis par un député ou un ministre et en fait rapport à l’Assemblée nationale[30]. Chaque année, il transmet au président de l’Assemblée un rapport de ses activités.

Le Commissaire, un tiers indépendant, s’est vu déléguer certaines prérogatives qui relevaient originellement de l’Assemblée nationale et qui découlent du privilège de l’institution de discipliner ses propres membres[31]. Auparavant, les règles relatives aux conflits d’intérêts ou aux incompatibilités de fonctions étaient comprises dans la Loi sur l’Assemblée nationale[32]

La nomination d’une ou d’un commissaire à l’éthique était évoquée dans le plan global de réforme parlementaire annoncé dans le discours d’ouverture de la 37e législature, le 4 juin 2003[33]. La fonction est créée en 2010. Son premier titulaire, Jacques Saint-Laurent, a occupé ce poste de 2011 à 2017.

LE COMMISSAIRE À LA LANGUE FRANÇAISE

La sanction, le 1er juin 2022, du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, a apporté d’importantes modifications à la Charte de la langue française (1977)[34]. Notamment, la Loi crée un ministère de la Langue française, instaure Francisation Québec au sein du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration et, enfin, institue le Commissaire à la langue française.

Le commissaire à la langue française a pour fonction de :

  • surveiller l’évolution de la situation linguistique au Québec, notamment en faisant le suivi de la situation chez les personnes immigrantes et en identifiant les mesures prises par le gouvernement pour l’utilisation du français comme langue commune et pour la vitalité et la pérennité de la langue française;
  • surveiller le respect des droits fondamentaux conférés par la Charte
  • surveiller l’exécution des obligations que la Charte impose aux personnes, aux entreprises et à l’Administration; 
  • surveiller la mise en œuvre des dispositions de la Charte par le ministre de la Langue française, par l’Office québécois de la langue française ou par Francisation Québec; 
  • veiller à ce que les institutions parlementaires satisfassent aux obligations auxquelles elles sont tenues en vertu de la Charte. À cette fin, le commissaire exerce à l’égard des institutions parlementaires, à la place du gouvernement, du ministre de la Langue française et de l’Office, les fonctions et pouvoirs que la Charte leur permet d’exercer à l’égard d’un organisme de l’Administration.

Le commissaire peut fournir des avis et des recommandations à l’Assemblée nationale, au gouvernement ou au ministre. Il peut d’office faire les vérifications et les enquêtes qu’il juge utiles à l’exécution de ses fonctions.

Le commissaire transmet au président de l’Assemblée les rapports qu’il produit. Outre le rapport annuel de ses activités et ses rapports de vérification ou d’enquête, le commissaire analyse le rapport de l’Office québécois de la langue française sur l’évolution de la situation linguistique au Québec et produit à son tour un rapport présentant les conclusions de son analyse et ses recommandations.

La Charte de la langue française édicte que la personne proposée par le premier ministre pour le poste de commissaire à la langue française « doit avoir une sensibilité ainsi qu’un intérêt marqués en matière de protection de la langue française » et que le ministre de la Langue française fait une recommandation au premier ministre à cet effet.

Le 8 février 2022, Benoit Dubreuil est devenu la première personne nommée commissaire à la langue française. Son mandat est d’une durée de sept ans, non renouvelable. 

POUR EN SAVOIR PLUS

Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 2023.

Gay, Oonagh, Officers of Parliament – A Comparative Perspective, House of Commons Library Research Paper, London, October 2003, 39 p.

Gay, Oonagh, Officers of Parliament: recent developments, House of Commons Library Research Paper, London, August 2013, 21 p.

Imbeault, Sophie. Le Vérificateur général du Québec : une institution au cœur de l’histoire, Québec, Vérificateur général du Québec, 2018, 207 p.

Siegfried, Peters (dir.), La procédure parlementaire du Québec, 4e éd. Assemblée nationale du Québec, 2021, 1335 p.


  1. À ce jour, toutefois, cette mesure n’a pas été utilisée (La procédure parlementaire du Québec, 4e éd., Assemblée nationale du Québec, 2021, p. 1002). [retour]
  2. Ibid. [retour]
  3. Règlement de l’Assemblée nationale, art. 117.6. [retour]
  4. Ibid., art. 294.1. [retour]
  5. Charte de la langue française, art, 204.14; Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale, art. 76; Loi électorale, art. 488.2; Loi sur le Protecteur du citoyen, art. 35.1; Loi sur le vérificateur général, art. 67. [retour]
  6. « Crédits, dépenses et plans annuels de gestion des dépenses de l’Assemblée nationale et des personnes désignées », Budget de dépenses 2023-2024, vol. 4, Gouvernement du Québec, 2023. [retour]
  7. Loi sur le Protecteur du citoyen, art. 1. [retour]
  8. Ibid., art. 4. [retour]
  9. Loi sur le vérificateur général, art. 14. [retour]
  10. Toutefois, cette terminologie peut créer de la confusion avec d’autres statuts de titulaires de fonctions de l’administration parlementaire dont le rôle est d’ordre procédural ou administratif, tels que le secrétaire général, le sergent d’armes et le bibliothécaire en chef. Voir Oonagh Gay, Officers of Parliament – A Comparative Perspective, House of Commons Library Research Paper, 03/77, 20 October 2003, p. 7-8. [retour]
  11. Ann Chaplin, The Constitutional Legitimacy of Officers of Parliament, National journal of constitutional law, 29 (1) October 17, 2011. [retour]
  12. Andre Barnes, Nomination des hauts fonctionnaires du Parlement, Études de la Colline, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2021; O. Gay, Ibid. [retour]
  13. A. Barnes, Ibid. [retour]
  14. La procédure parlementaire du Québec, op. cit., p. 703-704 et p. 1002 (note 228). [retour]
  15. Le document propose d’ailleurs de remplacer l’appellation de « personnes désignées » par celle de « mandataires de l’Assemblée nationale » (Secrétariat à l’accès à l’information et à la réforme des institutions démocratique, Réforme parlementaire – Cahier de propositions, Gouvernement du Québec, 2020, p. 10). [retour]
  16. « Our history », National Audit Office, London, page consultée le 10 mai 2023. [retour]
  17. Audit législatif, Vérificateur général du Québec, page consultée le 10 mai 2023. Crédits, dépenses et plans annuels de gestion des dépenses de l’Assemblée nationale et des personnes désignées, op. cit., p. 32. [retour]
  18. Jusqu’en 1887, l’organisation des scrutins sur le territoire était confiée au greffier de la couronne en chancellerie, un fonctionnaire nommé par le gouverneur, puis, jusqu’en 1945, ce rôle fut assumé par le greffier de l’Assemblée législative. Voir Directeur général des élections, dans Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 31 mars 2015. [retour]
  19. Directeur général des élections du Québec : une nouvelle signature visuelle, communiqué, 20 février 2018. [retour]
  20. Crédits, dépenses et plans annuels de gestion des dépenses de l’Assemblée nationale et des personnes désignées, op. cit., p. 32 [retour]
  21. Journal des débats de l’Assemblée législative, 28e législature, 1re session, 1er décembre 1966. [retour]
  22. La présentation du projet de loi a lieu le 22 octobre. Voir Journal des débats de l’Assemblée législative, 28e législature, 3e session, 22 octobre 1968. [retour]
  23. Au sujet du registre des lobbyistes et de sa nouvelle plateforme, voir notamment Hugo Joncas, Qu’est-ce que le Registre des lobbyistes?, La Presse, 11 mars 2023. [retour]
  24. Voir la Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d’une poursuite pénale, sanctionnée le 19 juin 2019. [retour]
  25. Pour un bref historique de cette crise politique, voir le résumé qu’en fait Bernard Descôteaux lors d’une table ronde tenue en 2007 : Le lobbyisme à l’ère de la mondialisation, sommaire des présentations et interventions lors des tables rondes, le 12 avril 2007 à Montréal, et le 19 avril 2007 à Québec, Commissaire au lobbyisme du Québec, 2008, p. 8-9. [retour]
  26. Voir Journal des débats de l’Assemblée nationale, 35e législature, 2e session, 25 mars 1996. [retour]
  27. Bâtir la confiance : rapport du Commissaire au lobbyisme du Québec concernant la révision quinquennale de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, 2008, p. 17-18. En outre, les règles d’encadrement du lobbyisme auprès des institutions fédérales ont été substantiellement resserrées dans la foulée des recommandations du rapport de la Commission d’enquête sur le Programme de commandites et les activités publicitaires présidée par le juge John H. Gomery. [retour]
  28. Crédits, dépenses et plans annuels de gestion des dépenses de l’Assemblée nationale et des personnes désignées, op. cit., p. 43, note 1. [retour]
  29. Règles déontologiques applicables aux membres du personnel des députés et des cabinets de l’Assemblée nationale et Règlement concernant les règles déontologiques applicables aux membres du personnel d’un cabinet ministériel. [retour]
  30. Néanmoins, conformément aux privilèges parlementaires, le Commissaire n’est pas habilité à sanctionner directement les élus, seule l’Assemblée peut appliquer les sanctions qu’il a recommandées, le cas échéant. De fait, « si un rapport du commissaire recommande une sanction, les députés de l’Assemblée nationale doivent ensuite voter sur ce rapport. Une sanction qui y est prévue s’applique lorsque l’Assemblée adopte ce rapport aux deux tiers de ses membres. » (La procédure parlementaire du Québec, 2021, p. 162) [retour]
  31. Ibid., p. 206. [retour]
  32. Ibid., p. 162. [retour]
  33. Ibid., p. 69. [retour]
  34. À ce sujet, on peut consulter notamment La 42e en bref – Bilan des travaux parlementaires en commission sectorielle : Commission de la culture et de l’éducation, Bibliothèque de l’Assemblée nationale, 2022. [retour]