Attentif aux sujets qui pourraient interpeller les parlementaires dans leur travail, le Service de la recherche de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale propose des notes de recherche et d’information sur des thèmes d’actualité et des enjeux émergents. C’est le cas de la série Matière à réflexion, qui rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur certaines questions d’intérêt public.

Avec le vieillissement accéléré de la population québécoise, la proportion de personnes proches aidantes de personnes âgées augmentera considérablement au cours des prochaines années. Assurément, le rôle de ces soignants non rémunérés est essentiel, autant pour les proches qu’ils accompagnent que pour la société dans son ensemble. Ils allègent le fardeau du système de santé, et on peut même se demander comment celui-ci tiendrait sans leur contribution invisible. Du point de vue de l’aidant, la relation qu’il développe avec la personne aidée peut certes être gratifiante et enrichissante, mais le temps consacré à ce rôle et à ces responsabilités a souvent des effets négatifs sur sa qualité de vie et sur sa santé.
Cette note d’information brosse un bref portrait de la situation de la proche aidance au Québec. Elle aborde notamment le cadre législatif, les soins dispensés par les aidants, leur importance sociale et économique, la charge qu’ils assument et les mesures de soutien qui leur sont destinées. La note propose enfin un coup d’œil à la législation et aux mesures en place ailleurs au Canada, ainsi qu’en France, en Australie et au Royaume-Uni. Cette fiche d’information est également accessible sur le site Web de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, tout comme d’autres notes produites par le Service de la recherche
Michèle Rioux
Service de la recherche
En quelques mots
- Au sens de la Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes (art. 2), un proche aidant est une personne qui apporte un soutien sur une base temporaire, occasionnelle ou continue à un ou à plusieurs membres de son entourage présentant une incapacité temporaire ou permanente et avec qui elle partage un lien affectif, familial ou non. Les formes d’aide sont diversifiées et varient selon les besoins de la personne aidée. Le transport, l’aide aux soins personnels et aux travaux domestiques, le soutien émotionnel ou la coordination des soins et des services en font partie. Comme le dit le sociologue français Serge Guérin, paraphrasant Simone de Beauvoir, on ne naît pas aidant, on le devient. C’est en effet « la situation, la demande d’un proche qui conduit à cette évolution », souligne ce spécialiste du vieillissement.
- En 2018, 21,1 % des personnes de 15 ans et plus étaient proches aidantes au Québec, soit près de 1,5 million de personnes. Les femmes représentaient la majorité des proches aidants, soit 57,5 %. Près du tiers des personnes ayant entre 45 et 64 ans (31 %) et environ une personne sur cinq (21 %) parmi les 65 ans et plus agissaient comme proches aidantes.
- D’après les données de l’Enquête sociale générale sur les soins donnés et reçus menée par Statistique Canada en 2018, le travail des aidants de 65 ans et plus au Canada concerne, par ordre décroissant, les problèmes liés au vieillissement ou à la fragilité, les soins liés au cancer, à la maladie d’Alzheimer ou à la démence, à une maladie cardiovasculaire ou à une maladie mentale. En règle générale, ces problèmes de santé étaient les plus souvent rapportés par les aidants d’autres groupes d’âge également.
- Sans la contribution économique des aidants, « chevilles ouvrières d’une économie invisible », le système de santé serait davantage fragilisé, souligne en parlant de la France le sociologue Serge Guérin. Dans le cas canadien, une étude de 2009 citée par Statistique Canada estimait que les aidants familiaux pouvaient représenter 25 milliards de dollars en main-d’œuvre non rémunérée dans le secteur de la santé[1]. Au Québec, selon une évaluation de données de 2007, les soins informels dispensés par des aidants de plus de 45 ans à des personnes de 65 ans équivalaient à eux seuls à près de 3,95 milliards (selon le taux horaire du salaire minimum).
- Selon le plus récent bilan démographique de l’Institut de la statistique du Québec, la part des personnes âgées de 65 ans et plus dans la population pourrait s’élever à 25 % en 2031 et atteindre 27 % en 2066. Le vieillissement de la population et l’augmentation du rapport de dépendance démographique projeté – soit le poids relatif des moins de 20 ans et des 65 ans et plus par rapport aux 20-64 ans dans la population – suggèrent qu’il y aura de moins en moins d’aidants et de plus en plus de personnes aidées dans les prochaines années.
- Cette augmentation projetée du rapport de dépendance démographique laisse supposer que la charge à assumer pour les aidants augmentera. Assurément, la proche aidance peut être gratifiante et enrichissante sur le plan relationnel, tant pour l’aidant que pour la personne l’aidée. Pour citer encore Simone de Beauvoir : « il est émouvant de se sentir utile, bouleversant de se croire nécessaire ». Toutefois, les répercussions possibles du temps imparti à l’aide et le soutien sont multiples pour l’aidant : impacts financiers, effets sur la santé physique et mentale ou limitations dans les sphères sociales ou familiales.
- Au nombre ressources en soutien aux proches aidants, il existe des services psychosociaux et généraux, des organismes communautaires, des programmes financiers et des subventions. Parmi les organismes à but non lucratif, l’Appui met entre autres à la disposition des aidants une ligne d’écoute téléphonique et dispose de pôles régionaux pour faire connaître les ressources disponibles. En 2023, l’Appui a en outre publié les résultats d’une enquête menée avec la firme SOM sur la proche aidance au Québec. Pour sa part, Proche aidance Québec regroupe 124 organismes communautaires et a pour mission d’améliorer les conditions et la qualité de vie des personnes aidantes, notamment en sensibilisant la population et les pouvoirs publics à leurs réalités, à leurs besoins et à leurs droits.
En quelques mots
57,5 % Proportion de femmes parmi les personnes proches aidantes en 2018 | 21,1 % Proportion de la population québécoise de 15 ans et plus qui exerçait un rôle d’aidant en 2018 |
3,95 G$ Valeur estimée des soins informels des aidants de plus de 45 ans à des personnes de 65 ans et plus au Québec (2007) | 62,9 % Des personnes proches aidantes soutenaient un bénéficiaire en 2018; elles étaient 37 % à donner de leur temps pour deux bénéficiaires ou plus |
Travaux récents et initiatives sur le sujet
- L’entrée en vigueur en 2020 de la Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes a été suivie en 2021 de l’adoption de la Politique nationale pour les personnes proches aidantes et du premier Plan d’action gouvernemental qui en découle. La Loi institue aussi le Comité de partenaires concernés par le soutien aux personnes proches aidantes et crée l’Observatoire québécois de la proche aidance.
- Des modifications à la Loi sur les normes du travail en 2018 ont notamment élargi l’octroi et la durée des congés aux travailleurs qui ont le statut de proche aidant auprès d’un enfant, d’une personne âgée ou de toute autre personne présentant des besoins particuliers.
- Le gouvernement du Québec accorde aux personnes qui remplissent les critères d’admissibilité un crédit d’impôt remboursable pour les personnes aidantes. Il remplace depuis 2020 le crédit d’impôt pour aidant naturel d’une personne majeure.
Ailleurs au Canada et dans le monde
- Le gouvernement canadien octroie des prestations pour proches aidants de l’assurance-emploi à toute personne admissible qui s’occupe d’un proche gravement malade, blessé ou en fin de vie, pour remplacer en partie son revenu d’emploi.
- En vertu de la Loi sur la reconnaissance de l’apport des aidants naturels adoptée au Manitoba en 2011, un rapport de progression sur les besoins des aidants naturels et les mesures de soutien à leur disposition est produit tous les deux ans. En Ontario, la Loi sur la reconnaissance de l’apport des aidants naturels de 2018 constitue un énoncé de principes à l’égard des aidants et en fait la promotion auprès des ministères et organismes gouvernementaux.
- En France, une loi visant la reconnaissance des proches aidants adoptée en 2019 affirme l’importance de mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants et sécuriser leurs droits sociaux par la mise en place de régime de congés remboursables. Et une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants est en vigueur depuis 2019.
- Dès 2010, l’Australie adopte le Care Recognition Act, une déclaration de principes sur la reconnaissance et l’apport des aidants au bien-être individuel et collectif ne créant toutefois aucune obligation. Il existe également plusieurs mesures de soutien financier aux aidants pour pallier les répercussions du temps requis pour les soins prodigués sur leurs finances personnelles. Par exemple, un montant de 10 000 dollars australiens est consenti à un aidant qui s’occupe d’un enfant de moins de sept ans gravement malade.
- Au Royaume-Uni, avec le bien-être individuel comme fil conducteur, le Care Act 2014 a introduit de nouveaux droits pour les aidants et reconnaît leur besoin d’accompagnement. La loi souligne l’importance de leur fournir l’accès aux services que leur activité requiert et exige une évaluation des besoins de soutien de toute personne qui estime exercer un rôle de soignant. Par ailleurs, elle précise la place occupée par les jeunes aidants.
Pour aller plus loin
- The hidden value of unpaid carers, The King’s Fund podcast (balado), épisode du 1er novembre 2021. Entretien avec Fatima Khan-Shah, directrice du programme pour les soignants non rémunérés du West Yorkshire (Angleterre).
- International Alliance of Carer Organizations, Global State of Caring, 2021, 171 p.
- M.J. Hollander, G. Liu, N.L. Chappell, Who cares and how much? The imputed economic contribution to the Canadian healthcare system of middle-aged and older unpaid caregivers providing care to the elderly, Healthcare Quarterly, 12(2), 2009, p. 42-49. [retour]